Anthropologue
Fondateur de l’Écomusée du patrimoine funéraire et commémoratif
Le Musée de la civilisation a annoncé officiellement, jeudi le 24 mars 2022, l’acquisition de la collection de la maison funéraire Lépine ayant eu pignon sur rue entre 1845 et 1975 à Québec. Ayant documenté les artefacts de la collection durant trois ans, Brigitte Garneau a été invitée à l’événement. Elle reproduit ici l’allocation qu’Estelle Lépine, la représentation de la famille donatrice, a prononcée.
Bonjour!
Mes sœurs, mes frères et moi-même sommes très heureux et fiers de confier cette collection au Musée de la civilisation à Québec et ainsi d’en faire bénéficier toute la société.
La collection acquise par le Musée est composée :
- De 3 corbillards à traction chevaline, dont le plus connu, celui dessiné par Adélard Lépine, qui a été construit par des artisans de Québec en 1900.
- Des attelages, des sonnailles, des clochettes et des parures pour chevaux, dont la majorité ont été confectionnés par des commerces québécois.
- Des vêtements de cochers et de directeurs, conçus, fabriqués par les commerces de proximité tels que Myrand & Pouliot, J-B. Laliberté et Zéphirin Paquet.
- Des bannières, des tentures, des draperies cousues dans des tissus unis, texturés et brodés, aux riches couleurs adaptées aux cérémonies de deuil.
- 2 cercueils vitrés en bois noble pour enfant, réalisés dans la fabrique de cercueils de l’entreprise dans les années 1890
- Du matériel et de l’équipement d’embaumement produits par des entreprises qui se sont constituées dès le milieu du XIXe siècle aux États-Unis et ont créé des filiales au Canada par la suite.
Transmis d’une génération à l’autre depuis 1845 et conservés au fil des ans, ces objets portent l’empreinte historique de la plus ancienne maison funéraire de la Capitale-Nationale, la maison Germain Lépine.
L’entreprise Lépine a eu pignon sur rue entre 1845 et 1975, elle est bien connue pour sa bâtisse de la rue Saint-Vallier à Québec, classée patrimoniale par la Ville; pour l’escalier réunissant la basse-ville et la haute-ville, officiellement désigné « L’escalier Lépine » en 1986; pour le segment de rue face à la Maison mère, nommé en 1928, « carré Lépine »; et évidement pour son corbillard d’apparat qui a suscité pendant des décennies l’admiration de la population québécoise. Il a été exhibé sur la rue Saint-Vallier jusqu’en 1989.
Préserver cette imposante collection dans sa totalité n’a pas été une mince tâche. À cet égard je dois rendre hommage à mes parents Cécile et Robert Lépine pour les efforts multipliés dans ce sens, ainsi qu’à mes sœurs et mes frères.
Notre motivation dans la préservation de cette collection est reliée à la prise de conscience collective de la dispersion « disparition » des objets témoins de notre patrimoine social et culturel. C’est ainsi que, dès le début des années 1970, mon père Robert Lépine, nourrit le désir de transmettre cet héritage à la population québécoise. À son décès, en 1980, nous avons fait nôtre ce désir.
C’est à partir de ces années que cette collection a dépassé la seule appartenance familiale pour prendre la dimension d’un héritage collectif. Ces objets ancrés dans notre histoire sont représentatifs de l’évolution des pratiques funéraires de l’entreprise au cours de ce siècle (1845-1975). Ces changements sont aussi révélateurs des avancées de la société québécoise, qui ont façonné notre identité.
En terminant, je voudrais remercier d’une façon particulière et témoigner toute ma reconnaissance à Brigitte Garneau, anthropologue sociale et culturelle, à qui nous devons la production d’une riche documentation qui a permis de faire connaître au Musée de la civilisation à Québec la nature de cet héritage patrimonial.
Dans la foulée des résultats de cette documentation, Brigitte Garneau a entrepris la rédaction d’une série de trois livres, à paraître en 2022 et 2023, qui mettent cette collection en valeur, le premier axé sur la place des tissus dans les rituels funéraires, le second sur les débuts de l’embaumement artériel avec Adélard Lépine et le dernier sur l’ensemble des corbillards ayant appartenu à notre famille depuis 1855
Déjà, il est possible de lire un article qu’elle a écrit sur les cercueils fabriqués par la maison funéraire Germain Lépine : 1845-1945, lequel article est publié dans la revue Rabaska du mois de novembre 2021.
Enfin, permettez-moi de souligner le travail de travailleuse et travailleurs de l’ombre qui ont facilité cette acquisition. Il s’agit de la conservatrice : Valérie Laforge; des conservateurs : Philippe-Antoine Hamel et Luc St-Amant; du restaurateur : Stéphane Doyon. Je tiens à exprimer ici toute ma gratitude au Directeur des collections, monsieur Dany Brown, pour avoir soutenu l’ardeur de ces professionnels à faire reconnaître l’importance patrimoniale de cette collection exemplaire et unique au Canada.
Avec l’autorisation d’Estelle Lépine