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De l’avenir de nos cimetières?

Alain Tremblay

Fondateur de l’Écomusée du patrimoine funéraire et commémoratif

Mise en contexte

Au printemps 2024, lors du congrès de l’Association des cimetières chrétiens du Québec (ACCQ), un comité fut mandaté pour réfléchir à l’avenir des cimetières. Quelques mois plus tard, en juin, il déposait son rapport intitulé Quel avenir pour nos cimetières?

 

Détail d’une stèle en fonte de fer issue de la fonderie locale, Cimetière Les Éboulements ( photo France Rémillard )

Les constats du Comité

Le diagnostic général est le suivant:

  • Pénurie de main-d’œuvre pour l’entretien,
  • Manque criant de ressources financières,
  • Concurrence accrue des entreprises funéraires commerciales — (parfois même de la part des grands cimetières membres de l’ACCQ
  • Désaffection du public, de plus en plus tenté par la crémation et la dispersion des cendres hors des cimetières.

Ces constats sont justes, mais incomplets. L’Écomusée du patrimoine funéraire et commémoratif estime qu’il y a d’autres enjeux.

Les constats de l’Écomusée du patrimoine funéraire et commémoratif

Disparition du lien d’appartenance
La tendance à regrouper 10, ou même 15 petits cimetières sous une même corporation entraîne confusion et anonymat. Le paroissien perd ses repères, se sent exclu des décisions et impuissant face au sort de son cimetière de village.

Des lieux peu conviviaux

Hormis quelques exceptions, les cimetières québécois sont tristement rudimentaires : végétation réduite au strict minimum, fleurs et arbustes sacrifiés pour faciliter la tonte, absence d’ombre et de couleur, rares bancs pour favoriser le recueillement, clôtures de métal qui n’offrent ni intimité ni protection contre les vents. L’histoire des lieux et de ceux qui l’habitent, quant à elle, demeure souvent muette.

Cimetière paroissial à Frelichburg ( photo; France Rémillard)

Un manque de transparence

Les grands cimetières, financièrement plus stables, fonctionnent toujours derrière un voile opaque. Orientations stratégiques, ententes commerciales, partenariats privés : tout demeure confidentiel. Pourtant, ces lieux appartiennent à la collectivité et devraient rendre des comptes aux paroissiens, lesquels sont rarement consultés ni représentés.

Des services déconnectés des attentes

La majorité des cimetières sont gérés par des fabriques paroissiales, elles-mêmes dirigées par des marguilliers cooptés et non élus. Résultat : une offre de services figée, éloignée des attentes actuelles : rituels revisités, cérémonies personnalisées, funérailles laïques, mode de sépultures écologiques, nouvelles façons de commémorer.

Le maraudage des grands complexes

Les petits cimetières, déjà fragiles, sont cannibalisés par de vastes complexes funéraires qui monopolisent le marché avec leur offre de services « tout sous un même toit ». L’absence de mécanisme de solidarité ou de redistribution accentue le déséquilibre et pose la question du rôle réel de l’Église dans cette industrie désormais hautement commerciale.

Les limites des recommandations du Comité

Le rapport du Comité propose une vingtaine de mesures. Il est question de sensibilisation, de meilleures pratiques et de révisions de certains articles de loi. Des mesures déjà connues et qui, pour la plupart des petits cimetières, sont irréalistes : sans clientèle, sans moyens, ils n’ont pas la capacité de les mettre en œuvre.

Le pavillon Ville-Marie du cimetière Repos Saint-François d’Assise sera inauguré sous peu. Il représente le plus luxueux complexe funéraire jamais construit au Québec (photo Alain Tremblay).

Les recommandations de l’Écomusée

Pour redonner un avenir aux cimetières, il faut :

  • Réformer en profondeur un cadre législatif plus que centenaire, en s’inspirant des meilleures pratiques (voir Garneau-Rodrigue).
  • Adapter l’offre à une clientèle diversifiée, laïque, souvent non pratiquante, qui recherche des rituels personnalisés et significatifs.
  • Favoriser des pratiques écologiques de disposition des restes humains, en phase avec les valeurs actuelles.
  • Mettre en valeur l’histoire en documentant les lieux, par des panneaux explicatifs, des activités commémoratives ou des visites guidées, du genre de celles qu’offrent les cimetières Saint-Charles et Belmont.
  • Créer des espaces accueillants et intimes : sentiers piétonniers, zones végétalisées et ombragées, débordant de nature avec bancs de recueillement et limiter la tonte à des corridors d’accès.
  • Diversifier les lieux de cérémonie — parcs, musées, restaurants — et offrir des funérailles accessibles, comme le fait déjà l’entreprise Harmonia à Québec.
  • Instaurer une gestion transparente, digne d’un bien collectif.
  • Impliquer les communautés locales et les municipalités dans l’aménagement des lieux)
  • Décider des infrastructures d’envergure (mausolées, funérariums et méga complexes) en se fondant sur des études de marché solides, des expériences existantes et une vision de long terme qui tient compte des besoins d’entretien.
  • Déconfessionnaliser la gestion en la confiant aux municipalités, sous un cadre légal révisé et adapté, ceci afin de transformer les cimetières en véritables parcs spirituels.
Banc commémoratif, judicieusement installé dans le cimetière de Baie-du-Febvre ( photo Alain Tremblay)

Conclusion

Tant que l’humain refusera de mourir dans l’anonymat, les cimetières ont un avenir. Mais pour survivre, ils doivent se réinventer : sortir du carcan confessionnel, devenir des lieux de mémoire vivants, ancrés dans la collectivité et les valeurs contemporaines et ouverts sur le monde.

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