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Les cimetières du Québec en images (suite)

France Rémillard

Restauratrice et éditrice en chef de l'Écomusée du Patrimoine

Dans notre précédent numéro de La Veille, printemps-été,  vol.8, no 2, nous avions présenté Les Cimetières du Québec, une base de données faisant l’inventaire en photo des lieux de sépulture du Québec. Illustrée et accessible gratuitement en ligne, elle a été initiée en 2011 par deux passionnées: Diane et Nicole Labrèche. Nous avions promis de donner suite à cet article. Nous revenons donc en vous présentant une mise à jour de la base de même que le profil et le travail des initiatrices.

Dans un deuxième temps, nous vous présentons le profil d’une des collaboratrices à cette base de données. Nous avons choisi Sylvie Lauzon, qui a documenté les cimetières de Saint-Michel-de-Bellechasse et de La Durantaye, dans Chaudière-Appalaches. L’idée était d’examiner une collaboration et peut-être, qui sait, d’en susciter d’autres.

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État de situation

La base de données ne cesse de s’enrichir. C’est 668 cimetières qui y sont maintenant documentés visuellement et par le texte. Plusieurs autres ont intégré des mises à jour. On se doute bien que l’été représentant un moment privilégié pour procéder à la documentation visuelle des lieux de sépulture, il est fort probable qu’à l’automne les sœurs Labrèche seront encore inondées de nouveaux cimetières à mettre en ligne et de nouvelles entrées à ajouter à ceux qui le sont déjà. Dernièrement, les cimetières de Saint-Adelme et de Papineauville (protestant) ont été rendus accessibles. Saint-Adelme est une petite municipalité de paroisse constituée en 1933. Elle appartient à la municipalité régionale de comté de Matane (Bas-Saint-Laurent). Papineauville est le chef-lieu du comté de Papineau, dans la région administrative de l’Outaouais. Son cimetière protestant très ancien a été constitué sur un terrain concédé par Louis-Joseph Papineau lui-même (photo 1: stèle de William Baldwin, la plus vieille du cimetière). Certainement un des cimetières que Diane Labrèche aimera découvrir, puisqu’il est doté d’un très beau couvert forestier.

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D’autre part leur site qui connaissait déjà une fréquentation assidue affiche maintenant une croissance notable avec une moyenne de 19 800 consultations pour les trois derniers mois. Selon, Diane Labrèche c’est plus de 1000 consultations par jour qu’elle observe actuellement.

L’avenir

Selon le Répertoire des cimetières du Québec, un site qui prétend avoir dressé l’inventaire des lieux de sépultures du Québec, ceux existants et ceux disparus, il y en aurait 3553. Les cimetières du Québec en auraient donc documenté 20 %. Il y a de la place pour d’autres volontaires. Voilà donc une opportunité pour qui aime le patrimoine funéraire: il y a encore beaucoup à faire pour pein de collaborateurs qu’il s’agisse de  travail de terrain ou du travail de bureau.

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Nouvelles collaborations

Selon Diane, depuis le début de la pandémie, un autre bénévole s’est manifesté en renfort au projet Les cimetières du Québec. Pour l’instant il prend des photos, mais lorsqu’il aura terminé sa généalogie il essaiera de compléter la base de données. Des limitations physiques l’obligent à se déplacer avec une canne ; c’est tellement difficile de se promener dans les cimetières sans perdre l’équilibre, mais courageusement il couvre quand même les cimetières au complet. Il se déplace maintenant en chaise motorisée, ce qui lui facilite l’accès. Il vient tout juste de nous faire parvenir une documentation su support de stockageamovible (clef USB).

Préférences des initiatrices

Nous étions curieuses de connaître les coups de cœur de ces passionnées de patrimoine funéraire. Les voici, au bénéfice de nos lecteurs.

Alors que Diane, la photographe,  avoue des coups de cœur plus poétiques et de nature paysagère avec un nette penchant pour les cimetières ruraux encore fréquentés, pour ceux en bordure du fleuve et ceux avec un couvert forestier imposant, les préférences de Nicole, préoccupée de filiation (photo 2, 3 et 4), aime le cimetière de Saint-Hilarion, celui de Saint-Augustin dans les Laurentides à Mirabel, celui du Mont-Royal, et enfin le Hawthorn-Dale. Si elle avoue une préférence marquée pour ces lieux, c’est qu’ils lui ont permis de découvrir des ancêtres et de compléter l’histoire de sa famille. Autrement, elle se dit « franchement attirée par les anciennes parties dans les cimetières, les vieilles pierres tombales qui malheureusement s’effacent avec le temps et qui risquent de disparaître. Les monuments de fortune en bois ou en métal qui ont été créés avec ce que les gens avaient sous la main pour que le défunt ne soit jamais oublié ont un charme indéniable ».

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L’exemple d’une collaboratrice

Née en Ontario où elle a grandi, Sylvie Lauzon  (photo 5)est une professionnelle dans la fonction publique fédérale qui a mené carrière à Ottawa. À cause d’une mère originaire de Saint- Michel, du 3e rang plus précisément, elle a depuis sa tendre enfance, effectué des pèlerinages bisannuels au pays maternel: une courte visite pour Noël et un séjour plus long à chaque été. «Du 3e rang, le cimetière paroissial en bordure du fleuve n’était pas visible, mais il l’était quand on allait à la messe.» nous dit cette mordue du Saint-Laurent. Devenue veuve, et approchant la retraite, on lui signale qu’une maison ancienne susceptible de l’intéresser est maintenant sur le marché. Il faut dire que d’entrée de jeu, Sylvie Lauzon se dit férue de géographie, d’histoire et de patrimoines. Elle avoue son amour du Québec et son affection profonde pour le coin de pays de sa mère. Elle achète donc d’un ingénieur anglais de Liverpool venu travailler au chantier naval de la Davie Ship Building à Lévis, le très beau cottage anglo-normand du Capitaine Leblanc, implanté au cœur du village de Saint-Michel de Bellechasse, directement sur la place de l’église. Il faut savoir que ce très beau village blanc a conservé son noyau institutionnel constitué d’une église, avec son cimetière, son presbytère et sa grange à dîme (lieu d’entreposage des gracieuses contributions en nature des paroissiens visant à soutenir l’église, son représentant et les démunis de la paroisse).

Une maison à restaurer: voilà donc un premier projet de retraite. Le deuxième projet, déjà démarré quelques années auparavant, concernera les recherches généalogiques de la famille.

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La généalogie mène au cimetière

Les recherches de filiations amènent souvent les intéressés à tenter de trouver des traces tangibles de l’existence de leurs prédécesseurs. C’est sur les traces de la sépulture de son arrière-arrière-grand-père, Louis Thomas Roi, que Sylvie Lauzon arrive à la paroisse de Saint-Michel-de-Bellechasse. La fabrique dispose d’un plan d’implantation de son cimetière in proxima. La présence de l’ancêtre figurant au registre demeure toutefois introuvable. L’explication réside dans l’élargissement de la Principale. En effet, autour des années 1900, le cimetière a dû déménager pour accommoder cette modification urbaine. Si certaines familles ont pu relocaliser les restes humains de leurs proches dans le nouveau cimetière, d’autres ont dû se contenter de la fosse commune et c’est le cas de l’ancêtre. Le lot des grands-parents, arrière-grands-parents, oncles et tantes s’y trouve toujours (photo 6) . Fière de ses trouvailles, notre chercheuse infatigable entreprend la documentation photo des stèles référencées au plan d’implantation de la fabrique du cimetière Saint-Michel-de-Bellechasse. Elle le fait également pour le cimetière voisin, celui de  La Durantaye. Pour obtenir des images de qualité, elle a l’habitude de débuter sa saisie photographique très tôt le matin. Elle l’interrompt quand la lumière devient trop intense pour la reprendre en fin de journée, certains monuments étant alors mieux éclairés. Pour arriver à lire certaines inscriptions, elle doit parfois arroser la pierre qui révèle alors ses secrets. Sinon elle procède par frottis au crayon de cire sur papier (technique du décalque): un travail minutieux, organisé et professionnel sur toute la ligne. Au bout de deux étés passés à photographier des monuments et à décrypter des épitaphes, elle a déjà monté trois albums complets de documentation.

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À l’hiver de 2013-2014, elle entre en communication avec les sœurs Labrèche après avoir découvert leur site et leur projet. Celles-ci lui fournissent le fichier Excel servant à alimenter leur base de données. Madame Lauzon se met alors en frais d’archiver son matériel de documentation écrite et visuelle dans le fichier. Une fois complété, il est immédiatement transmis aux deux gestionnaires de la base. En tout, juste pour Saint- Michel, c’est 390 stèles et/ou plaques au sol qui ont été documentées et 2 075 noms de défunts décryptés dans les trois secteurs du cimetière. Le columbarium, en 2014, comptait 39 noms inscrits. Selon son auteure, le cimetière compte plus de dépouilles qu’il n’y a de citoyens à Saint-Michel en 2020, soit 1 800 résidents.

Coups de cœur

Ce qui émeut le plus cette collaboratrice demeure l’ensemble de cette nécropole établie à l’abri de son clocher et soumise au vent du large, très inspirant dans ce pays de marins (photo 7). Elle est fascinée par le nombre de patronymes québécois réunis à cet endroit et prend

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grand plaisir à observer les visiteurs de ce jardin des morts: des touristes curieux, des pairs passionnés de filiation ou des proches venus honorer la mémoire d’un défunt. Elle est aussi fière de faire découvrir qu’il s’agit du lieu d’origine et de dernier repos du député et maire Jean Garon, du célèbre chef d’orchestre Edwin Bélanger (photo 8) et du juge Ernest Roy. Deux poétesses québécoises y sont également ensevelies: Marie-Anne Guy et Alice Lemieux (photo 9), sœur du peintre Jean-Paul Lemieux dont on dit qu’il disposait chez sa sœur d’un atelier qu’il utilisait pendant l’été et que fréquentait un autre peintre connu: Alfred Pellan.

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Question de survie

L’intérêt du cimetière de Saint-Michel-de-Bellechasse est intimement lié à son environnement; son implantation au cœur d’un noyau institutionnel bien conservé composé d’une très belle église du XVIIIe, d’un presbytère qui pourrait être le plus ancien en Amérique du Nord et d’un rare exemplaire de grange à dîme encore debout. C’est à la préservation de l’ensemble de ces éléments patrimoniaux que cette femme vaillante et persévérante entend désormais consacrer temps et énergie parce que le cimetière est magnifié par la cohérence de son environnement.

À suivre.

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