
Anthropologue
INTRODUCTION
L’objectif de cet article est de démontrer comment la loi ontarienne qui régit les cimetières pourrait s’avérer très inspirante pour le Québec, non seulement pour protéger à long terme le patrimoine funéraire, mais aussi pour assurer la pérennité de la mémoire des personnes décédées conservée dans ces lieux.
Yvon Rodrigue et moi-même avons préparé cet article. Yvon Rodrigue a une longue feuille de route :
- Président co-fondateur du cimetière La Souvenance en 1973
- Co-fondateur du centre funéraire Côte-des-Neiges en 1996
- Président co-fondateur de Services mémorables Harmonia en 2006
- Président co-fondateur du site cinéraire Parc Cinéraire Harmonia en 2011
- Co-fondateur de Pierres mémorables en 2010
- Membre du CA de Park Lawn, compagnie publique de cimetières en Ontario (2000-2011)
- Président fondateur du cimetière écoforestier Harmonia en 2024.
Somme toute, il a plus de 40 ans d’expérience dans le domaine funéraire au Québec. Pour ma part, je suis anthropologue de formation et j’ai co-fondé Pierres mémorables en 2010 avec lui. Par ailleurs, je m’intéresse aux cimetières depuis plus de 35 ans.
Yvon Rodrigue et moi-même avons un point en commun : nous voulons protéger le patrimoine funéraire des Québécois et l’investissement des vivants dans la mémoire de leurs défunts.
Notre article comprend quatre (4) points :
Point 1. Un état de situation des cimetières et lieux de sépulture au Québec
Point 2. La loi ontarienne sur les cimetières
Point 3. Les points forts de l’approche ontarienne
Point 4. Que retenir pour protéger les cimetières traditionnels au Québec ?
Point 1. Un état de situation des cimetières et lieux de sépulture au Québec
a) Inventaire
En 2013, Daniel Labelle a réalisé un répertoire des cimetières en vue de le rendre accessible à un large public. Selon lui, le Québec comptait alors 2 736 cimetières, dont 90% répertoriés comme religieux parmi lesquels 64% étaient d’obédience catholique romaine. Ce nombre incluait quelque 126 cryptes d’église et 22 cimetières dits « commerciaux », neutres ou laïcs, dont les propriétaires exploitants étaient des maisons funéraires. Ces informations étaient accessibles sur le site Web intitulé la Route des cimetières du Québec.
Il y avait, bien sûr, d’autres lieux de sépulture abritant les restes humains. Selon Yvon Rodrigue (recherche non publiée, 2013), on en comptait alors approximativement 275 construits hors cimetière, soit environ 250 columbariums – installés en majorité dans les complexes ou salons funéraires -, 2 mausolées-columbarium hors cimetière et plus ou moins 23 autres lieux d’inhumation divers.
Les sœurs Diane et Nicole Labrèche ont poursuivi l’œuvre de Daniel Labelle après son décès : Les Cimetières du Québec. La dernière mise à jour de la base de données date du 28 mars 2021[i]. On réalise que la situation n’a pas beaucoup changé, le Québec comptant en 2021 2 714 cimetières traditionnels.
[i] Répertoire des cimetières du Québec, [http://laroutedescimetieresduquebec.ca/Stats.asp?MP=F3].
2021 - Nombre de cimetières et autres lieux de sépulture au Québec


Ce qui est particulièrement intéressant, dans cette base de données, c’est la répartition régionale de la surface utilisée pour les champs des morts. Mis à part l’Ile-de-Montréal, les cimetières occupent une large place notamment en Montérégie, en Estrie, en Chaudière-Appalaches et dans la Capitale-Nationale.
2021 – Répartition régionale des 3 522 cimetières et lieux de sépulture existants et anciens

b) Législations au Québec
Pour les fins de notre propos, nous ne considérons que les cimetières enregistrés comme tels, ainsi que les mausolées et les columbariums.
À la suite de la position de l’Église catholique romaine sur la crémation dans un décret du 5 juillet 1963, le gouvernement du Québec a autorisé l’installation des crématoriums hors cimetière en 1972.
En mai 1981, il a réglementé le devenir des cendres cinéraires en permettant, entre autres dispositions, leur conservation dans des columbariums aménagés hors cimetière, entraînant la multiplication des lieux de sépulture hors cimetière.
En 2012, il a formellement autorisé la dispersion des cendres humains hors cimetière. Cette césure historique a été grave de conséquences pour les cimetières au Québec.
En 2016, la Loi sur les activités funéraires (LAF)[i] a rattaché les mausolées et les columbariums aux cimetières, mais les cendres n’ont toujours pas le même statut que les cadavres. Voici comment la législation se présente en 2024.
- A) S’appliquant aux maisons funéraires
- Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres concerne seulement les maisons funéraires depuis 2016
- B) S’appliquant à tous les cimetières
- Loi sur les inhumations et exhumations abrogée en 2016
- C) S’appliquant à tous les cimetières, crématoriums, columbariums et mausolées-columbarium hors le cimetière
- Directive no 010, Cimetières, mausolées et crématoriums, ministère de l’Environnement, 11 mai 1983 abrogée en 2016
- D) S’appliquant à tous les cimetières non religieux, columbariums et mausolées-columbarium hors le cimetière
- Loi sur les arrangements préalables de services funéraires et de sépulture encore en vigueur
- E) S’appliquant aux cimetières non catholiques
- Loi sur les compagnies de cimetière
- Loi sur les cimetières non catholiques abrogée en 2016
- F) S’appliquant à tous les cimetières catholiques romains
- Lois concernant les cimetières catholiques romains
- Loi sur les corporations religieuses des cimetières catholiques
- Loi sur les fabriques
- Loi sur les corporations religieuses
- Loi privée qui ne concerne qu’eux.
[i] ASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC, Loi sur les activités funéraires, 17 février 2016, [https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-66-41-1.html?appelant=MC].
En fait, la nouvelle Loi sur les activités funéraires (LAF) de 2016 encadre toutes les activités funéraires, mais elle touche surtout les exploitants, peu les cimetières. |
Voici les quelques changements qu’elle apporte.
Concernant les cimetières :
EXPLOITATION D’UN CIMETIÈRE, D’UN COLUMBARIUM OU D’UN MAUSOLÉE
Article 43 – Nul ne peut établir ou fermer ou agrandir un cimetière sans l’autorisation préalable du ministre.
Faire des exhumations et vendre des excédents de terrains comme c’était le cas auparavant n’est désormais plus possible.
Article 44 – Un columbarium ne peut être exploité que par une entreprise de services funéraires ou par l’exploitant d’un cimetière.
Article 45 – Un mausolée ne peut être exploité que par l’exploitant d’un cimetière. Il ne peut être construit ailleurs que dans un cimetière.
INHUMATION ET EXHUMATION DE CADAVRES
Article 55 – Toute inhumation de cadavres doit être faite dans un lot ou un mausolée situé dans un cimetière.
Ces dispositions législatives étaient inexistantes auparavant.
Concernant la disposition de cendres humaines :
DISPOSITION DE CENDRES HUMAINES
Article 71 – Nul ne peut disperser des cendres humaines à un endroit où elles pourraient constituer une nuisance ou d’une manière qui ne respecte pas la dignité de la personne décédée.
Toutefois, elles peuvent être inhumées hors cimetière.
De plus, elles peuvent être conservées par la famille ou dispersées.
Concernant le registre des sépultures :
EXPLOITATION D’UN CIMETIÈRE, D’UN COLUMBARIUM OU D’UN MAUSOLÉE
Article 48 – L’exploitant d’un cimetière ou d’un columbarium doit tenir à jour un registre des sépultures. La forme, le contenu et les modalités d’accès et de conservation de ce registre sont prescrits par règlement du gouvernement.
Cette obligation n’existait pas avant. C’est donc un début pour ne pas perdre la trace des défunts.
Toutefois, on perd encore la trace de ceux dont les cendres ne sont pas inhumées dans un cimetière ou déposées dans un columbarium. Ce phénomène représenterait, selon certains estimés, jusqu’ à 30 % des décès au Québec et serait unique au monde.
Ce sommaire de la législation québécoise concernant les activités funéraires montre bien ;
- Qu’il existe encore plusieurs lois publiques, privées ou particulières qui régissent ce secteur d’activités
- Que la loi cadre de 2016 contient des modifications qui touchent surtout les exploitants, peu les cimetières
- Que, malgré cette nouvelle loi, on est encore loin de pouvoir suivre la destination des personnes crématisées.
En fait, depuis l’avènement de la crémation et la modification législative autorisant l’installation des crématoriums hors le cimetière, les pratiques funéraires au Québec ont été complètement bouleversées.
c) Évolution des pratiques funéraires au Québec
Examinons les données rassemblées par Yvon Rodrigue pour décrire l’évolution des pratiques funéraires au Québec.
Évolution des pratiques funéraires 1973, 2012, 2023

Si on résume ces pratiques depuis 2012, on remarque :
- Le maintien des inhumations dans les cimetières religieux
- Une baisse des inhumations dans les cimetières commerciaux
- Une augmentation remarquable de la conservation ou la dispersion des cendres par les familles.
Dans ces conditions, on est en droit de se demander quel est l’avenir de nos cimetières traditionnels au Québec ?
d) Données sur les décès et les ventes de services funéraires au Québec
Les données statistiques nous donnent-elles raison ? Examinez ces tableaux. Considérant la progression constante du nombre de décès au Québec, laquelle sera encore plus importante au cours des 10 prochaines années, il y a vraiment de quoi s’interroger à savoir s’ils vont maintenir leur attrait pour la clientèle.

Point 2. La loi ontarienne sur les cimetières
Cela a amené Yvon Rodrigue et moi-même à étudier en profondeur la loi sur les cimetières en Ontario. Nous nous attarderons ici à six (6) points qui pourraient, à notre avis, inspirer le Québec :
- Esprit de la loi
- Définition d’un cimetière
- Pouvoirs municipaux
- Dispersion des cendres à l’intérieur d’un cimetière
- Fonds d’entretien pour chaque cimetière et ses monuments
- Fonds de prévoyance pour les services à rendre au décès
Cette loi qui s’appelle la Loi sur les services funéraires et les services d’enterrement et de crémation en Ontario[i] a pris effet en 2012, après 10 ans de consultation. Elle établit les grands paramètres du secteur des services funéraires. Elle concerne les cimetières, les résidences funéraires, les services de transfert, les crématoriums et les employés de ces entreprises.
Il existe 5,000 cimetières enregistrés en Ontario.
1) Esprit de la loi
Qu’en est-il de l’esprit de la loi ? Les règles établies visent clairement à protéger le consommateur, les défunts reposant dans les cimetières, leurs survivants et les usagers.
2) Définition d’un cimetière
Quelle est la définition d’un cimetière chez nos voisins ? La loi en donne la définition suivante :
« Bien-fonds sur lequel un cimetière a été créé en application d’une Loi ; s’entend, en outre, d’un bien-fonds réservé à l’inhumation de restes humains, d’un mausolée ou un columbarium destiné à l’inhumation de restes humains ».
Cette définition englobe toute construction, sur le sol comme ce qui est dans le sol, qui contient des restes humains. Avec cette loi :
- Les columbariums et les mausolées sont tous situés dans un cimetière.
- Cette définition traite les cendres humaines sur le même pied que les cadavres.
- On ne tient pas compte de la religion.
- On doit ramener toute personne décédée dans un cimetière, qu’elle soit crématisée ou non.
Au Québec, on trouve des différences fondamentales :
- Il y a des columbariums, mausolées et sites cinéraires qui peuvent être situés légalement hors cimetière
- Les cendres humaines n’ont pas le même statut que les cadavres
- On perd la trace des défunts crématisés.
3) Pouvoirs municipaux
Autre particularité : les municipalités locales peuvent désigner des cimetières comme patrimoniaux en vertu des parties IV et V de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario. Les propriétaires ou administrateurs de cimetières peuvent aussi conclure des accords de servitude avec d’autres organismes, comme la Fondation du patrimoine ontarien ou une municipalité.
Il y a des renseignements à inclure dans une désignation patrimoniale. Des descriptions bien rédigées des cimetières, ainsi que des attributs des éléments bâtis et du paysage et des attributs patrimoniaux, constituent la partie la plus importante du règlement de désignation patrimoniale adopté par la municipalité.
Quand l’importance des cimetières tient d’abord à des raisons d’ordre historique ou à un lien, il importe de joindre des renseignements tels que le lien historique avec :
- un événement bien précis, comme une bataille ou une catastrophe ;
- des gens bien connus, comme une famille pionnière fondatrice ;
- une personne célèbre au lieu de sépulture ;
- une communauté rurale bien connue et son cimetière.
Là où le contexte et l’architecture du paysage importent, il faut décrire les attributs du paysage où se trouve le cimetière, par exemple :
- la conception et la disposition du cimetière, y compris les caractéristiques particulières du paysage telles que les arbres, les plantations, les clôtures, les entrées, les chemins, les espaces verts ;
- les murs, les sentiers, les portes et les fontaines ;
- le rapport du cimetière à la communauté où il se trouve et aux structures historiques de colonisation ou d’utilisation des terres ;
- l’intervention d’un paysagiste ou d’un concepteur en particulier ;
- l’intégrité du lieu ;
- la rareté du lieu ;
- le rôle du cimetière comme point de repère physique ou spirituel.
Quand l’artisanat et la conception architecturale sont importants, il faut décrire les attributs des éléments bâtis dans le cimetière, par exemple :
- les monuments funéraires, les charniers, les clôtures et les portes, les repères et les mausolées ;
- le nom du constructeur, du peintre, du dessinateur, du maçon, du sculpteur ou de l’architecte ;
- le genre d’édifice ou de repère, y compris les matériaux des constructions et des repères, les influences religieuses ou artistiques pour les pyramides, les obélisques et le métal forgé ;
- le genre d’éléments architecturaux ou décoratifs, de sculptures ou de détails, tels que les agneaux et les anges, et les techniques ou les appareils de construction particuliers.
Il existe aussi d’autres pouvoirs municipaux, au-delà de la désignation patrimoniale, par exemple sur la création d’un cimetière, sa fermeture, sur les cimetières abandonnés, sur leur expropriation.
Pouvoir municipal de création et de fermeture d’un cimetière
La loi exige l’approbation de la municipalité avant de demander le consentement du registrateur pour la création d’un cimetière. La municipalité peut tenir des audiences publiques et sa décision peut être contestée.
Le registrateur peut ordonner la fermeture complète ou partielle d’un cimetière s’il croit qu’elle est dans l’intérêt public.
Pouvoir municipal de déclarer un cimetière abandonné et d’exproprier pour créer ou agrandir un cimetière.
Cimetières abandonnés
Un cimetière qui n’est plus exploité depuis plusieurs années peut être considéré comme étant abandonné. La loi prévoit un processus par lequel la municipalité locale peut demander à la cour, par requête, de déclarer un cimetière abandonné. Si la requête est accueillie, c’est la municipalité qui devient propriétaire de tous ses actifs, droits et obligations.
La municipalité peut exproprier a) soit tout ou partie d’un cimetière, qu’il soit situé à l’intérieur ou à l’extérieur de la municipalité ; b) soit un bien-fonds dont on entend se servir pour créer ou agrandir un cimetière.
Le conseil d’une municipalité peut autoriser l’achat de tout ou partie d’un cimetière situé à l’intérieur de la municipalité ou l’achat d’un bien-fonds dans la municipalité en vue de la création d’un cimetière ou de l’agrandissement d’un cimetière appartenant déjà à la municipalité.
Somme toute, la loi prévoit clairement comment s’effectue le classement et la préservation des cimetières elle prévoit aussi comment s’occuper de tous les cimetières : abandonnés, négligés et non identifiés.
4) Dispersion des cendres
En Ontario, les cendres ne peuvent être inhumées que dans un cimetière enregistré. Elles peuvent aussi y être dispersées. Le cimetière peut être embauché pour disperser les cendres. Le cas échéant, il est autorisé à facturer le service de dispersion des cendres.
En Ontario, très peu de cendres sont dispersées ailleurs que dans un cimetière. Les très belles aires de dispersion favorisent cette pratique funéraire, qui devient accessible pour tous, qui réunit des familles autour des cendres plutôt que de les diviser au sujet de la personne qui les conservera et qui permet d’identifier clairement le lieu pour commémorer le défunt.
Toutefois, on peut les disperser sur une propriété privée avec le consentement du propriétaire ou sur des terres inoccupées de la Couronne ou des terres de la Couronne situées sous les eaux, y compris un parc provincial, une réserve de conservation ou les Grands Lacs sans autorisation préalable du gouvernement, ou sur des terrains municipaux selon les règlements en vigueur.
5) Fonds d’entretien pour chaque cimetière et ses monuments
Abordons maintenant la question du financement. La loi l’a prévue de différentes façons.
D’abord, il existe une obligation légale de constituer un fonds d’entretien perpétuel pour chaque cimetière et un fonds spécial pour ses monuments. |
En effet, les exploitants de cimetière qui vendent des droits d’inhumation ou de dispersion sont tenus de constituer et de conserver un Fonds d’entretien afin de garantir le bon entretien du terrain, des repères (monuments) et des constructions du cimetière. Le Fonds doit être détenu par un fiduciaire.
« Le propriétaire d’un cimetière qui vend, cède ou transfère des droits d’inhumation constitue auprès d’une société inscrite aux termes de la Loi sur les sociétés de prêt et de fiducie, d’une caisse ou d’une fédération à laquelle s’applique la Loi de 1994 sur les caisses populaires et les Credit Unions, la société, la caisse ou la fédération devant agir à titre de fiduciaire, un fonds en fiducie, appelé Fonds d’entretien en français et Care and Maintenance Fund en anglais, afin de fournir les sommes nécessaires à l’entretien du cimetière. »[ii]
Des contributions au Fonds sont exigées lorsque les droits d’inhumation ou de dispersion sont vendus, lorsque des repères (monuments) sont installés ou lorsque des constructions privées sont érigées. Ces contributions correspondent à 40 % du prix de vente d’un lot, 20 % pour une crypte et 15 % pour une niche de columbarium. De plus, pour chaque marqueur installé, on exige une somme d’argent variant entre 200 $ et 400 $.
Les revenus du Fonds ne peuvent être utilisés que pour payer l’entretien général du lieu, y compris les repères. Les dépenses sont strictement prescrites dans le règlement. C’est une formule qui assure la pérennité du lieu.
6) Fonds de prévoyance pour les services à rendre au décès
Il existe aussi une obligation légale de constituer un fonds de prévoyance pour les services à rendre au décès.
L’entreprise funéraire doit déposer en fiducie les sommes payées à l’avance pour les services funéraires (creusage, fleurs, cérémonie, etc.) et les marchandises (monuments, urnes, etc.) jusqu’au décès. La protection de l’investissement du consommateur est ainsi assurée par la loi. Formellement, la loi dit ceci :
« Le propriétaire qui vend des fournitures ou des services de cimetière de prévoyance constitue auprès d’une société inscrite aux termes de la Loi sur les sociétés de prêt et de fiducie, d’une caisse ou d’une fédération à laquelle s’applique la Loi de 1994 sur les caisses populaires et les Credit Unions un fonds en fiducie appelé Fonds de prévoyance en français et Pre-need Assurance Fund en anglais, la société, la caisse ou la fédération devant agir à titre de fiduciaire. »
[i] Loi de 2002 sur les services funéraires et les services d’enterrement et de crémation, L.O. 2002, chap. 33, [https://www.ontario.ca/fr/lois/loi/02f33/v5].
[ii] [https://www.canlii.org/fr/on/legis/lois/lo-2002-c-33/derniere/lo-2002-c-33.html].
Point 3. Les points forts de l’approche ontarienne
Nous arrivons à la conclusion que la loi ontarienne contient trois points forts :
- Centralisation des responsabilités
- Protection du consommateur
- Protection des cimetières.
1- Centralisation des responsabilités
La responsabilité des cimetières revient à une autorité appelée Autorité des services funéraires et cimetières de l’Ontario[i]. Cette autorité :
- A été mise sur pied en 2016 pour promouvoir les droits et la sécurité des consommateurs
- Remplace le Conseil des services funéraires et l’Unité de la réglementation des cimetières du Ministère mis en place en 2012
- Est constituée de 26 employés
- Dispose d’un budget de 4 M$ financé par l’industrie
- A des activités principales concernant :
- La délivrance de permis
- L’inspection des maisons funéraires, des services de transfert (transfert du défunt au besoin – par exemple, au lieu d’enterrement), des cimetières et des crématoriums
- Relève du ministère des Services au public et aux entreprises et de l’Approvisionnement (jadis le ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs).
2- Protection du consommateur
Le consommateur est protégé, car il peut porter plainte au Ministère, ce qui donne lieu à une véritable vigile citoyenne. N’empêche que l’Autorité fait face à des défis pour protéger le consommateur. Ainsi, selon le rapport déposé en 2020[ii],
- La plupart des maisons funéraires et autres exploitants ne divulguent pas facilement les prix aux consommateurs
- Les prix des services identiques ou semblables varient considérablement à l’échelle de la province et à l’intérieur des régions
- Les pratiques de vente de services funéraires peuvent comprendre des tactiques de pression et la communication de renseignements trompeurs.
3- Protection des cimetières
Évidemment, le but est aussi de protéger les cimetières et d’en assurer la pérennité. Là aussi, l’Autorité fait face à des défis :
- Tous les cimetières ne renouvellent pas leur permis chaque année auprès de l’Autorité
- Certains exploitants de cimetières (8 %) ne produisent pas de rapport sur leur fonds d’entretien
- 40 % des maisons funéraires produisent en retard les rapports sur l’utilisation de leurs fonds.
[i] L’Autorité des services funéraires et cimetières de l’Ontario,
[https://www.pas.gov.on.ca/fr/Home/Agency/244].
[ii] BUREAU DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE DE L’ONTARIO, Audit de l’optimisation des ressources, L’Autorité des services funéraires et cimetières de l’Ontario, décembre 2020, 88 p.
Point 4. Que retenir pour protéger les cimetières traditionnels au Québec ?
Nous avons fait ce tour d’horizon pour savoir si la loi ontarienne sur les cimetières pouvait inspirer le Québec pour la protection de ses cimetières traditionnels. Nous retenons principalement ceci :
- Alternatives pour disperser les cendres dans les cimetières
- Fonds strictement dédiés à l’entretien des cimetières et à de leurs monuments
- Pratiques exemplaires sur l’utilisation des revenus de ces fonds
- Protection du consommateur.
Il nous reste à espérer que chacun d’entre nous trouvera dans ces pratiques des moyens pour assurer la pérennité des lieux dont nous avons la responsabilité collective.
Autres photos de la présentation au Domaine de la Pointe-de-Saint-Vallier le 14 juin 2024



