Géographe & Responsable coopération décentralisée chez Département de Seine-Maritime
Introduction
Le cimetière est un espace étranger. Étranger, car bien que produit par le fait humain, le cimetière est un lieu qui ne s’apprivoise pas, qui ne saurait appartenir aux vivants. Il suscite doutes, interrogations, peurs, réticences. Il est pourtant indissociable de l’espace habité qui l’entoure, sur lequel il permet de poser un regard neuf. À travers le cimetière, on est amené à considérer autre ment l’évolution structurelle et organisationnelle des villes et des villages, en lien avec les mentalités et les transformations sociales. Avec le support de l’interprétation de la symbolique funéraire, de l’étude des stèles et de son organisation interne, l’espace du cimetière dévoile les appréhensions et les croyances, les craintes, les façons de vivre.
Grâce à sa dimension diachronique, qui mêle différentes époques, le cimetière est le permanent reflet des grandes idéologies qui ont traversé la société, et qui restent figées dans son espace. En l’occurrence, c’est plus particulièrement à l’évolution de la localisation des cimetières et à leurs différents aspects, esthétiques et organisationnels, à travers le temps que les pages qui suivent vont s’intéresser. Le paysage de la mort est pris comme révélateur culturel des sociétés concernées. Les cimetières représentent un lieu de contact entre ce monde et l’autre, entre la terre et le ciel, et de ce fait sont des indicateurs culturels très parlants. En effet, la façon dont une société habille le paysage de la mort apprend beaucoup sur ses propres motivations, sur son mode de compréhension du monde. La religion apparaît comme un filtre qui procure une certaine appréhension de la réalité; de là vient l’intérêt d’étudier le cimetière comme reflet de la société multiethnique et multiconfessionnelle qu’a profondément été autrefois la région de Québec, terrain de l’étude. Deux aspects seront donc plus particulièrement examinés : d’une part, la localisation, c’est-à-dire la place que les cimetières occupent dans l’organisation spatiale à l’échelle locale, et d’autre part l’organisation interne de l’espace de la mort. Il s’agit donc d’étudier d’une part la mort appliquée à l’espace, et d’autre part, la religion prise dans un espace donné, comme médiatrice des valeurs qui font fonctionner une société. En effet, la mort est souvent envisagée pour elle-même, et non dans son expression spatiale qu’est le cimetière. La mort est souvent placée dans une optique qui l’oppose radicalement au monde vivant. L’objectif est de faire le lien; montrer que l’espace du cimetière est un lieu de contact mêlant les vivants et les morts. C’est un lieu aménagé par les vivants pour les morts. De ce fait, il devient témoin de la culture de la société qui l’établit et l’entretient. La religion est le médiateur entre notre monde et l’autre; entre les morts et les vivants.
L’hypothèse de départ pose que les cimetières sont les lieux de cristallisation de toutes les influences qui traversent une société à une époque donnée. De cette position découle le choix d’un certain nombre de ces lieux qui constitue l’échantillon d’analyse. L’idée est venue d’une simple promenade dans le cimetière Mount Hermon à Sillery qui a révélé le paradoxe suivant : les communautés anglophones protestantes et anglicanes ont érigé, au cours du XIXe siècle, des stèles imposantes et porteuses de nombre d’informations sur le ou les défunts, toutes choses contraires à l’éthique du protestantisme, alors que les stèles plus récentes, érigées dans un contexte de déperdition de la religion, sont d’aspects beaucoup plus conformes à l’idéal protestant. On peut en tirer certaines conclusions, sur l’influence de la « joie de vivre française » et du catholicisme, ou sur l’idéologie contemporaine consistant à évacuer la mort autant que possible. On peut évoquer également le contexte d’émergence de nouvelles valeurs dans lequel le cimetière Mount Hermon apparaît, ainsi bien sûr que l’évolution de la population anglophone dans la ville de Québec. Ces premières réflexions m’ont incitée à observer d’autres cimetières dans la région avoisinante afin d’avoir une vision plus globale de l’ensemble des cimetières dans un vaste espace. C’est pour – quoi le choix s’est porté sur le cimetière de Notre-Dame de Lévis, autre cimetière en milieu urbain, mais catholique et socialement hétérogène – contrairement aux cimetières Belmont (Haute-Ville) ou Saint-Charles (Basse-Ville). Par la suite, des cimetières à la périphérie de la ville de Québec ont été retenus. D’abord Saint- Gabriel-de-Valcartier qui possède quatre cimetières de confessions différentes; cette municipalité est située en milieu rural mais elle est sous l’influence de la capitale, puis Saint-Jacques-de-Leeds, avec ses multiples cimetières, du plus petit, un cimetière baptiste comportant deux stèles, au plus grand, le cimetière catholique. Cette municipalité est fondamentalement rurale − la majorité des emplois con cernent le secteur primaire − et présente un contexte particulier : en effet elle fut créée le long du chemin Craig, qui constituait au XIXe siècle la porte d’entrée des Cantons-de-l’Est; les localisations des différents cimetières portent la trace de cet héritage. L’échantillonnage qui va permettre l’analyse est donc inscrit dans un corridor d’observation, à l’intérieur d’un transect défini entre Saint-Gabriel-de-Valcartier et Saint-Jacques-de-Leeds. Cette coupe, qui prend en compte des cimetières sur la rive nord et sur la rive sud du Saint-Laurent, protestants et catholiques, urbains, périurbains et ruraux, propose un échantillonnage du paysage culturel de la région de Québec. Les sites choisis, par leur histoire, rendent bien compte du contexte biculturel et de son évolution dans le temps. L’échantillonnage est composé de deux cimetières urbains, apparus à la même époque, l’un étant protestant, sur la rive nord, (Mount Hermon), et l’autre catholique, sur la rive sud (Lévis). Les cimetières de Saint-Gabriel-de-Valcartier résultent d’un peuplement mixte à majorité française aujourd’hui. Quant à Saint-Jacques-de-Leeds, sa colonisation fut d’abord anglophone mais le village est aujourd’hui à 100 % francophone. Cet échantillonnage révèle donc bien la mise en place et les aléas du peuplement de la région de Québec. Il est supposé représentatif de l’ensemble régional. Le cimetière Mount Hermon ouvre en 1848, Lévis, en 1851, Saint Gabriel-de-Valcartier, dans les années 1820. Pour Saint-Jacques-de-Leeds, l’année de référence est 1800, date de construction du chemin Craig, bien que le premier cimetière ouvre ses portes sensiblement plus tard. La période couverte s’étend jusqu’à nos jours, l’intérêt principal étant l’étude de l’évolution produite par les grands changements aux XIXe et XXe siècles, tant dans l’espace et dans la forme du cimetière que dans les mentalités.
Un échantillonnage de stèles a été effectué de façon objectivement aléatoire dans les cimetières en question, afin de baser l’analyse sur des données de terrain objectives. Cet échantillonnage varie entre cinq et trente stèles par cimetière, selon sa taille. Au total, environ deux cents stèles ont été répertoriées avec un certain nombre de critères : nom, date de décès (la plus ancienne quand il y en a plusieurs), nombre de personnes inhumées, forme du monument, taille, matériau, présence de prières ou de mentions personnelles, présence de symboles religieux ou profanes, présence de fleurs. Ces renseignements ont permis d’établir des statistiques, fournissant par là même une base de données sur laquelle fonder la réflexion. La pertinence de cette dernière repose sur la validité de l’échantillonnage. Les statistiques permettent par exemple de faire des croisements avec le contexte de l’époque. Ainsi, en utilisant des cartes de répartition de la population en fonction de critères ethniques ou religieux dans le cimetière, on arrive à des corrélations entre tel type de monument ou tel symbole et telle population. Ceci constitue un support important pour l’analyse. De la même façon, il est intéressant d’étudier la corrélation existante entre l’évolution des mentalités, liée à l’idée de progrès, de capitalisation, liée à une plus ou moins haute opinion que la société se fait d’elle-même, et l’évolution du type de monument. L’interrogation porte sur le sens porté par les diverses représentations − ou l’absence de représentation ainsi que sur leur fréquence. Naturelle ment, selon les époques, il y a différentes « modes » funéraires, mais celles-ci ne fonctionnent pas ou peu selon un principe de mimétisme; elles sont plutôt l’expression exacte d’un mode de vie, et des croyances et valeurs qui lui sont rattachées. Il est possible de classer les symboles en deux catégories, religieuse et profane. La nuance qui les sépare est parfois ténue. La tendance actuelle de certaines personnes à faire graver sur leur stèle des paysages, intégrant parfois des couples, semble d’inspiration beaucoup plus profane. Cependant, le geste de se choisir une image pour accompagner son éternité, et ce, quelle que soit la représentation utilisée, exprime un intérêt pour le sacré. La façon de vivre sa croyance est aujourd’hui plus libre, débarrassée du dogmatisme historique, mais le sentiment religieux, en revanche, persiste, quel que soit le nom qu’on lui donne, quelles que soient les valeurs qui lui sont attachées. Il semble que, à la suite d’un certain déplacement de valeurs dans notre société, la nécessité d’instaurer des éléments de sacralité au quotidien voit le jour : on peut par exemple sacraliser l’amour du couple. L’intérêt de cette analyse est donc de classer les symboles et de les décoder autant que possible en analysant leur référentiel et l’entour spirituel de l’époque dans laquelle ils interviennent. Comprendre la charge symbolique dont est investi le monument funéraire permettra de saisir une partie de la réalité culturelle caractérisant la société qui se trouve être à l’origine du cimetière examiné.
Les données de terrain sont traitées à la lumière des connaissances anthropologiques sur la mort. Celle-ci sera replacée dans un contexte spatial afin d’avoir une lecture du paysage selon deux axes. Le cimetière dans son aspect brut constitue le plan horizontal, étendu; la dimension anthropologique s’exprime verticalement, couvrant notre espace, le revêtant d’un sens. L’appréhension géographique éclaire le tout et crée la profondeur de champ. L’espace du cimetière a un sens dans la mesure où il est investi par un système de pensée qui lui donne son épaisseur.
L’idée abstraite vient coller au lieu concret et le révèle en tant qu’espace social. Les cimetières, comme structures spatiales, font l’objet de deux phénomènes complémentaires qui sont à l’origine de leur apparence contemporaine : leur localisation et leur organisation interne. Leur localisation n’est pas seulement le fruit du hasard et de contingences matérielles; elle est surtout la résultante et l’expression des peurs, des angoisses et des croyances de toute une société. Cette dernière n’en a pas conscience, car si ces sentiments s’expriment de façon tangible dans l’espace, ils ne se con naissent pas comme tels. C’est le recul et la connaissance des contextes qui permettent l’interprétation. Or, la façon dont une société organise son espace est vraiment très révélatrice de sa perception d’elle-même, à son insu. La place occupée par le cimetière dans l’espace joue un rôle important et témoigne des stratégies mises en place pour fuir – ou s’approprier – cet espace tabou.
Populations et localisation des cimetières
Étudier la localisation des cimetières dans lesquels l’échantillonnage est prélevé permettra non seulement d’avoir une idée précise du contexte qui les entoure, mais aussi de s’apercevoir que certains faits sont récurrents et ne dépendent pas de l’évolution structurelle de chacun. Le caractère inquiétant du cimetière en fait à la fois un espace désirable et répulsif; assumer la responsabilité entourant le cimetière revient à prendre un certain pouvoir sur ceux qui préfèrent se dégager de leurs morts. Conséquemment, le contrôle de l’espace de la mort devient fortement stratégique et reflète les investissements qu’une société (ou partie de la société) est capable de faire pour affirmer ses idéologies.
La municipalité de Saint-Gabriel-de-Valcartier compte, en 1996, 2 204 habitants, dont 385 ont pour langue maternelle l’anglais et 1 735, le français. Deux cent quinze sont d’origine irlandaise, 185 d’origine anglaise, et 160 d’origine écossaise. La population de 1986 était de 2 720 habitants, et de 2 890 en 1981. En 1986, les habitants parlant anglais étaient au nombre de 545, contre 2 070 francophones. Le nombre d’anglophones en poids relatif diminue donc beaucoup plus rapidement. Par ailleurs, la population atteint son pic de peuplement relativement tard, en 1981 : les recensements de 1971 donnent le nombre de 1 826 habitants et celui de 1976 de 2 019. En 2001, la ville compte 2 256 habitants, dont 410 anglophones et 1 795 francophones.
Les emplois sont principalement reliés à la vente et au service (575 emplois sur 1 295, mais 495 sur 910 emplois occupés par des hommes, soit plus de la moitié), ce qui laisse supposer la polarisation exercée par Québec. Nous sommes dans un espace périurbain. En 2006, la population est de 2 827 habitants, soit une augmentation de 25,3 % par rapport à 2001. À Saint-Gabriel-de- Valcartier, les cimetières sont toujours restés sur leurs lieux d’origine. Ils sont au nombre de quatre et tous situés le long de la route principale. Les plus anciens sont le catholique et l’anglican. Suit de près le presbytérien puis le cimetière de l’Église unie du Canada. Valcartier est un village dont la superficie s’étend considérablement et qui n’a guère de centre, sauf cette rue « fédératrice » qui s’allonge sur des kilomètres. Il est intéressant d’observer la proximité des cimetières protestants et anglican, qui sont regroupés les uns près des autres, tandis que le cimetière catholique apparaît excentré, en position marginale par rapport aux autres, plus au nord.
La municipalité de Saint-Jacques-de-Leeds compte 750 habitants en 1996, contre 741 en 1991, et 779 en 1986. Son évolution est descendante au moins depuis 1971 où elle comptait 810 habitants. Toutefois, la population apparaît relativement stable, notamment grâce au regain observé au dernier recensement qui freine le dépeuplement. En 2001, elle compte 750 francophones et 10 anglophones. La population d’origine canadienne est de 330; d’origine française, 390; d’origine anglaise, 20; 110 emplois concernent le secteur primaire, contre 105 dans les transports, sur un total de 440 emplois en 2001.
En 2006, la population est de 708 personnes, en légère diminution de 8,2 % par rapport à 2001. Cette municipalité s’est développée fortement au début du siècle, alors que Saint-Gabriel-de-Valcartier s’étend plutôt après la guerre. À Saint- Jacques-de-Leeds, 65 logements sont construits avant 1946, contre 115 entre 1946 et 1980. À Saint-Gabriel-de-Valcartier, il s’agit de 65 contre 365. Même si ces chiffres sont à considérer en fonction du nombre de logements total, ils n’en sont pas moins révélateurs de deux formations différentes : Saint-Jacques-de-Leeds a évolué lentement et a trouvé une certaine stabilité depuis quelques décennies; Saint-Gabriel-de- Valcartier résulte en revanche du boom économique d’après-guerre, issu de l’influence d’un contexte urbain progressiste et moderne. Même si son héritage culturel est toujours présent, c’est davantage son deuxième avènement qui est à l’origine de son actuelle identité. Le nombre de logements récents corrobore l’hypothèse : à Saint-Jacques-de-Leeds, 15 logements seulement ont été construits entre 1991 et 2001, contre 95 à Saint-Gabriel-de-Valcartier.
À Saint-Jacques-de-Leeds, la localisation des cimetières suit des contingences historiques liées au développement du village. Le cimetière baptiste, comportant deux stèles, est situé près de la maison de Zacharias Goff, qui est à l’origine de ce petit cimetière et d’une chapelle baptiste aujourd’hui disparue. Ce cimetière peut être considéré comme un cimetière familial : on ne s’étonnera donc pas de le voir à proximité des terres de l’initiateur de la communauté baptiste.
Le site patrimonial de Saint-Jacques-de-Leeds compte trois cimetières. Le plus ancien est l’anglican qui accueille également les presbytériens à partir de 1833. Ensuite le méthodiste, situé juste en face, qui remonte à 1843, le catholique, enfin, qui date de 1898. Un premier cimetière catholique était situé à proximité du chemin Craig, route construite pour faciliter la pénétration à l’intérieur de ces nouvelles terres à exploiter. Il ne le bordait pas directement, mais n’en était guère éloigné, ainsi que l’église. Dès la fin du XIXe siècle, le chemin Craig commence à perdre de sa pertinence. Il faut souligner également que ce site était alors plus proche de Kinnear’s Mills que du village de Saint-Jacques-de-Leeds. L’histoire de ces deux villages est liée, mais cela n’exclut pas les rivalités : aussi les paroissiens ont donc rapidement souhaité ramener l’église auprès du cœur de leur village, de façon légitime et pratique. Par ailleurs, un village qui se dote d’une église prend avec elle son autonomie, symboliquement et concrètement, puisque les paroissiens n’ont plus besoin de se déplacer dans le village voisin. C’est donc en 1896 que le déménagement de la mission est autorisé. En 1897, la vieille chapelle et le terrain attenant, comprenant le cimetière, sont vendus. La nouvelle église est bâtie sur le site de l’église actuelle, plusieurs fois brûlée puis reconstruite.
Le nouveau cimetière derrière elle est béni durant l’été 1898, et l’abbé Sauveur Turcotte permet l’exhumation des corps se trouvant dans l’ancien cimetière et leur transport dans le nouveau champ de repos. Très curieusement, aucun des quelque 200 corps se trouvant là ne sera déplacé, et quelques enterrements se feront après sa fermeture, en 1896.
La population de Lévis est de 40 407 personnes en 1996, contre 39 417 en 1991. Elle a toujours suivi une courbe ascendante. Trois cent cinq habitants sont de langue maternelle anglaise, contre 39 185 francophones. 21 770 sont d’origine canadienne, 20 020 d’origine française, 1 405 d’origine irlandaise, 235 d’origine anglaise, et 460 d’origine écossaise. En 2001, à la suite de fusions, la population passe à 121 999 personnes, et à 130 006 personnes en 2006 (+ 6,6 %).
Une proportion très importante de logements se bâtissent depuis les années 1970 (2 445 logements construits entre 1991 et 2001), ce qui confirme l’évolution du peuplement. Pour ce qui concerne les emplois, en 2001, 5 420 sont reliés à la vente ou aux services, 2 925 aux transports, et 4 230 à l’administration. Lévis résulte aujourd’hui de la fusion des villes de Lauzon et de Lévis en 1989, à laquelle s’ajoute Saint-David-de l’Auberivière en 1991. C’est le centre économique de la région administrative Chaudière-Appalaches.
De ce fait, elle constitue un trait d’union entre Québec et les régions situées au sud du fleuve, sur lesquelles elle contribue à étendre l’influence métropolitaine. Lévis était autre fois reconnue pour le commerce du bois, favorisé par le blocus continental décrété par Napoléon (1806-1811). Puis elle se spécialise dans la construction navale. Depuis les années 1970, Lévis est passé d’un statut de ville-dortoir à celui de centre économique de la rive sud. Lévis est directement polarisée par Québec et attire par son cadre agréable, sa valeur foncière raisonnable comparée à Québec, et son accessibilité.
À Lévis, la corporation du cimetière Mont-Marie est une création relativement récente. Initialement, le cimetière se trouvait sur la rue Saint- Georges, paroisse de Saint-Joseph. Le 15 mai 1887, le curé Gauvreau informe les paroissiens ayant des proches inhumés dans l’ancien cimetière qu’il faut les faire transporter avant le 1er juin au cimetière Mont-Marie. Le 14 juin 1887, les exhumations sont terminées. Les corps n’ayant pas été transférés seront regroupés dans une fosse commune sous un monument com mémoratif. Celui-ci fait état de 15 000 morts, mais il s’agirait en réalité de 1 500 personnes. Pourquoi déplace-t-on ce cimetière de la rue Saint- Georges ? Probablement par manque de place. Peut-être s’agit-il aussi de fédérer, d’organiser, de contrôler le lieu de la mort. Sinon, pourquoi avoir fermé l’ancien cimetière qui n’était probablement pas saturé ? D’ailleurs, plus tard, les paroisses de Lauzon (1875), et de Bienville (1916), achètent des terrains à proximité du cimetière Mont-Marie. Petit à petit, les paroisses avoisinantes demandent l’autorisation d’inhumer leurs morts dans le cimetière Mont-Marie, faute de posséder leur propre cimetière. En quelque sorte, ils se « débarrassent » de leurs morts :
25 décembre 1896 : la fabrique Notre-Dame-de-la-Victoire de Lévis autorise, jusqu’à nouvel ordre, les paroissiens de la nouvelle paroisse de Bienville d’inhumer les corps de leurs morts dans le cimetière Mont-Marie, aux conditions et charges ordinaires telles que spécifiées par le règlement du cimetière et au profit de ladite fabrique Notre-Dame-de-la-Victoire. (Samson 1996).
Curieusement, Bienville sera annexée à Lauzon en 1924, concrétisation de la relation de dépendance de l’une par rapport à l’autre. Lauzon fusionnera avec Lévis en 1989. Nous voyons là l’effet inverse de celui observé à Saint-Jacques-de-Leeds. Les paroisses avoisinantes possèdent leur église le plus souvent, mais dépendent de Lévis, ou de Lauzon, pour leurs morts. Ce rejet de responsabilité est symptomatique de l’absence de volonté d’autonomie.
Note (1)
Ce texte fait partie d’une série d’articles de notre grand dossier « Cimetières, patrimoine pour les vivants » tiré du livre du même titre par Jean Simard et François Brault publié en 2008.
Note (2)
Texte tiré de « Espace sacré en devenir profane ? Les cimetières de la région de Québec des origines à nos jours, témoins de l’évolution d’une société ». Québec, Université Laval, mémoire de maîtrise en géographie, 2001.