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Conseillère en arrangements funéraires

Assis sur une mine d’or

Alain Tremblay

Fondateur de l’Écomusée du patrimoine funéraire et commémoratif

Le projet de loi 178, modifiant diverses dispositions législatives concernant la protection du consommateur, à l’article 81,  oblige désormais les maisons funéraires offrant des services de préarrangement à tenir un registre de ces contrats . Les rencontres de l’industrie funéraire avec l’Office de protection du consommateur laissent présager une entrée en vigueur des règlements régissant ces modifications en juin 2020.

Chaque année, environ 10% des citoyens qui avaient payé à l’avance des services funéraires auprès d’une entreprise spécialisée décèdent sans avoir fait connaître ce détail aux personnes chargées de liquider leur succession. Où va cet argent ?

À l’Association des cimetières chrétiens du Québec (ACCQ), on nous dit que les services non réclamés représentent de 5 à 6 millions de dollars par année. D’où la motivation du gouvernement à créer un registre des préarrangements. Donc, chaque fois qu’une famille arrivera chez l’entrepreneur pour l’organisation de funérailles, celui-ci aura l’obligation de vérifier si le défunt avait signé et payé un entente préalable. Comme rien n’est gratuit, il en coûtera, à chaque consommateur de ces produits, un montant d’environ 35$ afin de financer le nouveau programme.

De plus, à partir de juin 2020, chaque entreprise funéraire aura l’obligation de revoir dans ses dossiers tous ceux qui sont en dormance. On comprend que les petits cimetières qui font peu de préarrangements ne disposent peut-être pas du personnel nécessaire pour faire ces recherches. C’est davantage l’industrie funéraire qui s’est accaparée ce marché de services. On peut imaginer que  celle-ci ne sera  pas vraiment intéressée à faire ces recherches: les préarrangements représentent un marché annuel d’environ 50 millions. Imaginez un individu qui avait signé un contrat d’arrangements préalables à l’âge de 80 ans en 1980, et dont on découvre en 2020 que le service n’a pas encore été livré ! Pourtant le lient est certainement décédé. Nous pouvons facilement imaginer les démarches administratives requises: rechercher les familles du défunt, vérifier s’il est décédé, si oui, en quelle année et déterminer à qui les montants pour le service non réclamé doivent être versés… Beau problème!

L’industrie nous dit que les coûts moyens des préarrangements sont d’environ 3 000$. Les bénéficiaires consommeront ce service plus ou moins 12 ans plus tard. Donc, en plus de récupérer l’intérêt de ces services prépayés pendant 12 ans, les entreprises ont engrangé les sommes versées et non réclamées. Nous pouvons rapidement déduire la réticence de l’industrie à aborder le problème et l’intérêt de l’Office de protection du consommateur de le régler!

Il y a environ 69 000 décès par année au Québec. De ce nombre, 19 600 individus font des arrangements préalables. Y en aurait-il 1 900 qui ne réclameraient pas leur dû que c’est près de 6 millions de dollars qui continueront de rapporter des revenus dans les caisses de fournisseurs de services.

L’ACCQ s’oppose vivement à ces nouveaux frais. Selon elle, dans le cas des petits et moyens cimetières les ententes préalables se situent entre 300$ et 900$. Pour ces clients, le 35$ supplémentaire suffira à les faire fuir parce que trop élevé.

Pourquoi les gens, âgés principalement, optent-ils pour des préarrangements ? Parce qu’ils sont prévoyants et que les taux d’intérêt sont bas depuis plusieurs années, même plus bas que l’inflation. Donc, tous les consommateurs vont devoir payer pour l’imprévoyance de personnes qui avaient pourtant tout, ou presque, prévu!

Comme il sera vraisemblablement impossible de récupérer tout cet or qui dort pour le remettre aux familles, pourrait-on imaginer un fonds où l’argent non réclamé serait destiné à aider à la sauvegarde du patrimoine funéraire? Certainement, une question qui se pose!

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