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Pourquoi les cimetières ne seraient-ils pas des lieux de commémoration?

Brigitte Garneau

Anthropologue

Pourquoi les cimetières ne seraient-ils pas des lieux de commémoration au sens du Gouvernement du Québec?

En juin 2022, lorsqu’il publie la stratégie québécoise de commémoration, le ministère de la culture et des communications (MCC) du Gouvernement du Québec donne cette définition de la commémoration :

« La commémoration se définit comme un acte collectif et public de rappel dont l’objet est un personnage, un événement, un lieu ou un fait du passé. Il s’agit d’un acte collectif du fait qu’elle s’adresse à une collectivité donnée. Elle est également un acte public puisqu’elle s’inscrit dans la sphère publique et s’adresse à tous les membres de la collectivité visée[1] ».

Le ministère indique les deux moyens principaux par lesquels la commémoration s’effectue :

  • Le repère fixe et permanent dans l’espace public (par exemple un monument, un nom de lieu, l’attribution d’un statut juridique à un personnage, à un événement ou à un lieu historique).
  • La manifestation ponctuelle (par exemple une célébration récurrente, sous forme de cérémonie ou empruntant un support physique ou virtuel).

En février 2024, le ministère dévoile son projet de recension du patrimoine commémoratif dont la coordination est confiée à la Fédération Histoire Québec (FHQ). Dans le cadre d’une formation donnée aux organismes membres de la FHQ, il précise en quoi les cimetières et leurs objets ne sont pas visés par ce projet et par l’intervention de l’État.

Des repères fixes

Dans les cimetières, la commémoration se réalise d’abord avec des monuments familiaux. Le ministère reconnaît cependant qu’il existe des repères fixes qui ne sont pas strictement familiaux. On pourrait penser aux mémoriaux à la gloire des héros, aux mémoriaux de guerre, aux mémoriaux à la mémoire des victimes de catastrophes, selon les catégories établies par Denis Samson[2], ou encore aux bornes signalétiques marquant la présence des sépultures des premiers ministres dans tous les cimetières du Québec, créées par la Commission de la Capitale Nationale[3].

[1] Je me souviens : stratégie québécoise de commémoration 2022, Ministère de la Culture et des Communications, Gouvernement du Québec, juin 2022, p. 2.

[2] SAMSON, Denis, « Quel mémorial pour le cimetière de l’Hôpital général de Québec ? », dans ÉCOMUSÉE DE L’AU-DELÀ, L’avenir des cimetières, Actes du colloque organisé par l’Écomusée de l’Au-Delà en collaboration avec la Commission de la capitale nationale du Québec et la revue Frontières, Québec/Montréal, 2000 (26-27 octobre/2-3 novembre), p. 62-75.

[3] COMMISSION DE LA CAPITALE NATIONALE, Sépultures des Premiers Ministres, [https://www.capitale.gouv.qc.ca/histoire-et-patrimoine/sepulture-des-premiers-ministres/], page consultée le 25 avril 2022.

Photos: Écomusée du patrimoine funéraire et commémoratif

Toutefois, le ministère considère que les cimetières et leurs objets ne sont pas visés par la stratégie québécoise de commémoration, soit :

  • parce qu’ils ne sont pas situés dans l’espace public, mais plutôt dans des lieux privés que sont les cimetières;
  • parce qu’ils n’ont pas été créés avec une intention commémorative unissant tous les membres d’une collectivité autour d’une mémoire commune;
  • parce qu’ils ne font pas l’objet d’une manifestation commémorative récurrente.

En tant qu’organisme dont la mission est de promouvoir la sauvegarde, la conservation, la restauration et la mise en valeur des cimetières, que nous reste-t-il comme voies d’action pour que la mémoire collective dont ils sont les porteurs ne disparaisse pas ?

  • Tenter de faire adopter une loi qui donne la responsabilité des cimetières à une autorité gouvernementale, comme c’est le cas en Ontario pour leurs 5 000 cimetières depuis 2012 ?
  • Favoriser la municipalisation des cimetières, comme c’est le cas de neuf des dix-sept cimetières de la Ville de Rouyn-Noranda ?
  • Lutter à la pièce, sans les fonds publics, pour sauver certains monuments soi-disant plus pertinents en termes de commémoration du passé, selon les critères établis par le ministère de la Culture et des communications (MCC) ?
  • S’allier avec les autorités actuelles des cimetières pour leur faire connaître les expériences prometteuses existantes en matière de gestion du patrimoine funéraire commémoratif ?

NDR: L’Écomusée du patrimoine funéraire et commémoratif  projette pour 2023-2024 d’inventorier les éléments qui ne sont pas reconnus formellement dans le cadre du Programme de soutien aux initiatives de commémoration de la nouvelle Stratégie québécoise de commémoration 2022: objets commémoratifs, matériels ou immatériels en lien avec la mort, le patrimoine funéraire et la commémoration dans les cimetières et lieux de sépultures, qu’ils soient d’intérêt national, régional ou local.

Objectif de l’inventaire:

  • Faire reconnaître et intégrer ces éléments dans la Stratégie gouvernementale.
  • Aider les organismes intéressés à soumettre des projets pertinents à ce Programme de soutien aux initiatives de commémoration

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