
Fondateur de l’Écomusée du patrimoine funéraire et commémoratif
Arrivé presque au terme du long conflit de travail qui a affecté le cimetière Notre-Dame-des-Neiges (CNDN) pendant des mois, on apprend que son administration privilégie désormais de nouvelles approches. Elles sont présentées ici pour servir de prétexte à une réflexion en profondeur sur l’avenir de ce haut lieu de mémoire.

Approche rentabilité
Déficitaire d’une dizaine de millions par année depuis plus de 10 ans, le CNDN, administré par la fabrique de la paroisse Notre-Dame dans le Vieux-Montréal, a enfin renoncé au très controversé programme de constructions de mausolées-columbariums, avec ses enfeus (espaces pour la conservation des corps) et ses niches logeant des urnes cinéraires (columbariums). Le programme entrepris il y a plus de 50 ans serait délesté à cause du coût d’entretien à long terme jugé trop onéreux. Nous pourrions ajouter que dans une perspective environnementale il n’a jamais été démontré que de maintenir des corps à température contrôlée pendant 100 ans répondait à des considérations écoresponsables.
Curieusement, un de ses principaux compétiteurs, le Repos Saint-François d’Assise (RSFA), dans l’est de Montréal, propriété à égalité des parts de la paroisse SFA et de l’archevêché de Montréal, profitant du long conflit de travail au CNDN et du délestage de ce type de constructions, vient d’inaugurer en grande pompe, son tout nouveau méga mausolée-columbarium. Son directeur, Alain Chartier, nous informe que ces constructions représentent maintenant 70 % des revenus du cimetière. Rappelons que ces options funéraires ne constituent qu’un segment minime du marché, soit moins de 10 % de la demande. De plus, il y aurait lieu de s’assurer de la rentabilité à long terme de cette construction.
Approche environnementale
Dans le but de répondre à une clientèle de plus en plus préoccupée par les impacts environnementaux de ses décisions, le CNDN réagit de deux manières. Dans un premier temps, il opte pour une gestion différenciée des lieux qui consiste à réduire au maximum l’utilisation de la tondeuse (voir à ce sujet l’article de Jean-Jacques Lincourt : Jardin cinéraire naturalisé et biodiversité . Bravo ! Rappelons que cette stratégie est en partie à l’origine du long conflit de travail avec les cols bleus du cimetière. En effet, l’approche nécessiterait moins de travailleurs saisonniers. Toutefois, les employés déplorent que l’administration confonde gestion différenciée et laisser-aller. Il faut admettre qu’une abdication de l’entretien au profit d’une végétation qui deviendrait hors contrôle aurait des conséquences néfastes tant sur le patrimoine funéraire que mobilier. Pour cette raison, il y a lieu de souhaiter que la gestion différenciée soit bien comprise et contrôlée.

Dans un deuxième temps, toujours pour répondre à la demande d’options plus écologiques, le cimetière offre maintenant la plantation d’un arbre commémoratif en lieu et place du monument funéraire traditionnel. À cette fin, au printemps dernier, le CNDN inaugurait sa toute nouvelle offre, soit la création d’un boisé écologique et commémoratif. Il faut savoir que les principaux cimetières de la montagne cumulent actuellement plus de 175 000 monuments. Ainsi, nous ne pouvons que saluer cette approche. Toutefois, l’emplacement du boisé, en devanture du cimetière et dans la plaine, aurait pour conséquence de créer un écran dissimulant le champ des morts à la vue des passants. Un tel choix nuirait au concept même de ce lieu funéraire à savoir un modèle hybride à la fois jardin paroissial, et monumental où les plantations se trouvent en général au pourtour des îlots ? Si la place existe certainement pour ce genre de concept, ne serait-il pas préférable de privilégier une option plus utile dans le contexte du mont Royal par exemple, en recréant des corridors écologiques entre les différents boisés du cimetière ? La plantation d’un arbre de commémoration constitue certainement une option qui sied aux consommateurs puisque de plus en plus de personnes se préoccupent de leur empreinte écologique, mais une réflexion approfondie quant à son emplacement dans un lieu patrimonial s’impose. De plus, la rentabilité à long terme de cette option, à savoir le coût d’entretien de ce boisé doit être examiné. Il est intéressant de constater qu’aucun autre cimetière ne s’est aventuré dans ce type offre. Même au RSFA, où pourtant l’espace est disponible, on nous rétorque que ce n’est pas profitable en plus d’exiger beaucoup d’espace !
En conclusion
Profitant d’une brèche dans la clôture du CNDN, alors qu’il était fermé pour cause du conflit de travail, nous avons passé un long moment à prendre des photos documentant l’état des lieux après plusieurs mois d’absence d’entretien. Résultat : n’eût-été la tempête de verglas de ce printemps qui a endommagé de nombreux arbres, convenez que le cimetière a rarement été aussi beau! Pour vous en convaincre, veuillez prendre connaissance de quelques-uns des clichés émaillant ce texte.
