
Historien
Longtemps nos cimetières catholiques, seuls lieux de repos éternel des vivants, ont été entretenus avec un immense respect de leur intégrité dans les centaines de paroisses du pays français. Ces jardins de mémoire étaient l’objet d’une fréquentation annuelle presque obligatoire le jour de la Fête des Morts, le 2 novembre, le lendemain de la Toussaint. On y commémorait alors le passage sur terre des fidèles défunts par tout un rituel de prières, un événement fort fréquenté. La mort s’intégrait alors dans un climat social de mélancolie romantique.
L’esthétique sociale mortuaire

Pour ce grand rite de passage, hommes et femmes portaient le deuil : un simple brassard ou un costume noir de circonstance souvent assez recherché parmi la gent féminine qui aimait se voiler le visage dans les circonstances ; on défilait recueillis en procession dans la ville ou le village, été comme hiver, sous le tintement lugubre du glas qui faisait trembler l’air et le sol ; l’église paroissiale modifiait son décor selon trois avenues sociales, la première classe étant la plus spectaculaire et la plus onéreuse ; la messe des morts dans les bouffées d’encens et le tonnerre de l’orgue suscitait toujours grande émotion par ses airs solennels de de profundis et de dies irae, dies illa, invoquant la bonté divine dans l’accueil généreux au paradis.
Jusqu’aux années 1950, avant de passer aux corbillards automobiles, le dernier voyage se prenait dans un véhicule hippomobile richement sculpté, sorte de vitrine ambulante tirée par deux ou quatre chevaux noirs portant un attelage spécialement élaboré, digne du char céleste du prophète Élie. Même les cartes mortuaires en papier gaufré, ornées de motifs funèbres et de pensées tendres évoquant la souvenance, donnaient dans la beauté nostalgique du temps qui fuit. La mort se glissait dans la beauté romantique, de ce romantisme à la mode en Occident après 1840 notamment. L’apothéose de la mise en scène funèbre éclatait dans le catafalque d’enfant ou d’adulte, une sorte d’autel-présentoir richement architecturé et illuminé de mille chandelles qu’on installait entre le chœur et la nef pour y déposer le cercueil lors de la cérémonie finale des funérailles. Saint-Joseph-de-Beauce possède toujours ces bûchers symboliques flamboyants, pour le bonheur de notre patrimoine national.
Le cimetière-jardin

Pour suivre un tel élan de beauté funèbre, il fallait à coup sûr, une terre bénie à la hauteur du spectacle et des exigences religieuses du culte des morts. Il fallait créer un beau grand jardin clôturé, avec son portail élaboré permettant de passer de la terre profane à la terre sacrée, celle qui allait recevoir les dépouilles pour leur lente digestion en poussière. Cet espace des défunts qui résultait parfois d’un plan comportait d’abord des éléments fonctionnels et d’autres, évocateurs du monde divin. On y trouvait presque toujours un commode charnier pour les défunts des neiges qu’on inhumerait au printemps, une fois le sol dégelé comme à Saint-Matthias-de-Rouville, d’autres étaient agrémentés d’une chapelle qui servait aussi cette fonction d’hivernation et où l’on stockait également tous les outils utiles à l’inhumation, brancards, crochets de fer pour descendre les cercueils dans la fosse, bénitier et goupillon en argent pour l’aspersion des corps lors de l’inhumation, encensoir d’argent, ce brûle-parfum à chaînettes qu’on agitait autour du cercueil lors de l’enterrement. Saint-Anselme-de-Bellechasse offre toujours dans son cimetière paroissial un tel bâtiment, en brique celui-là, en excellent état de conservation. Et parmi le mobilier religieux, les cimetières jardins enchâssaient un calvaire monumental en bois ou en métal, ou plus simplement, une grande croix ; les agglomérations plus riches alignaient les 14 stations d’un chemin de croix, évocation des turbulences de la vie en suivant la crucifixion du Christ. Les jardins pouvaient également proposer des surprises avec l’aménagement d’une grotte consacrée à la Vierge, sorte de prolongement dans notre temps des nymphées de la Rome ancienne.
Mais il faut vite affirmer que le caractère dominant des cimetières-jardins québécois demeure leur aménagement paysager horticole. Les planificateurs de nos grands espaces mortuaires urbains comme ceux de Québec, la capitale nationale ou les autres de la cité de Maisonneuve, notre métropole ont été confiés à des architectes du paysage qui ont mis en scène le dernier repos dans une nature opulente étudiée. Trois traditions conceptuelles animent ces ensembles. D’abord celle de la France lisible dans l’organisation rationnelle du plan développé sur un terrain plat en allées rectilignes quadrillé avec une ordonnance mécanique des lots bien numérotés, comme si nous étions dans un aménagement urbain. Puis, la manière anglaise qui va s’imposer dans les cimetières-jardins des protestants arrangeant et amplifiant harmonieusement les traits naturels du site pour mieux paysager et pour mieux circuler, au respect d’une topographie parfois mouvementée. Les grands arbres et les bosquets envahissent l’espace, les lots suivent les accidents du sol, les pleins et les vides nous rappellent la rase campagne. Les cimetières anglais sont ombragés, austères avec un brin de mystère qui impose le silence. On trouve enfin des cimetières-jardins bien québécois qui marient ces deux grandes traditions avec une certaine élégance allant jusqu’à créer une nouvelle topographie en aménageant des collines touffues et en peuplant l’espace de grands arbres formant un couvert ombragé dans les allées centrales bordées de zones orthogonales peuplées de monuments bien alignés.
Nos jardins des morts sont toujours bien clôturés, en pierre, en fonte, agrémentés d’un portail stylisé portant parfois une pensée philosophique, des œuvres sorties tout droit de nos fonderies locales et régionales et toujours bien inscrites dans la grammaire décorative funéraire composée notamment de saules pleureurs, de lierres, de pots de feu, d’urnes cinéraires, riches évocations symboliques du départ pour l’au-delà.
Avant de donner dans les cimetières-jardins véritables parcs de la souvenance des aïeux, les Québécois ont connu les cimetières ad sanctos, aménagés sous la nef et le chœur des églises, pour être plus proche de Dieu. La paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies possède le plus bel exemple préservé d’un tel aménagement offert à la visite, le sous-sol de la nef étant surtout réservé aux fidèles et celui du chœur, aux prêtres-curés.
Les stèles de bois du 19e siècle sont remarquables et offrent une juste idée des monuments qui habitaient ces espaces au temps de Papineau. Nos aïeux vont également entretenir des cimetières ad proxima, autour de l’église, pour garder contact tous les dimanches et les jours de fête avec leurs chers disparus. Dans la société traditionnelle, le monde des morts et celui des vivants ne sont jamais très éloignés. Et avant de connaître le cimetière-jardin avec son plan orthogonal composé d’allées centrales et de chemins secondaires, le champ des morts autour du temple ou à la sortie du village ou de la ville sera simplement clôturé et fermé aux bêtes suivant les instructions de l’évêque. Les inhumations se feront sans véritable plan, au gré de l’espace disponible marqué par une croix ou une stèle en bois que le temps finira par dissoudre. Les vieux fossoyeurs qui possèdent en mémoire la géographie du sous-sol des cimetières peuvent vous raconter la superposition des tombes dans un même lot. Et selon nos enquêtes de terrain à Saint-Sévérin-de-Beauce, en campagne, on s’organisait pour placer le défunt en terre, les pieds vers le temple, de manière qu’il puisse contempler son église paroissiale en premier, le jour de la résurrection des corps au jugement dernier.
Un haut-lieu de mémoire
Dans chaque cimetière ancien, on devrait pouvoir lire l’histoire d’une communauté d’humains. Les cimetières sont de véritables dépôts d’archives locales. On pourrait d’ailleurs développer le passé d’une famille en partant des inscriptions généalogiques inscrites sur les monuments, puis questionner les vivants, les registres paroissiaux, la généalogie, les inventaires après décès, dépouiller les journaux, tout cela pour saisir le cheminement d’une lignée et ressusciter un personnage marquant. Les stèles des premiers ministres du Québec sont aujourd’hui l’objet d’une telle attention de mise en valeur.
Dans nos cimetières, les grands hommes, ceux qui ont fait la ville ou le village triomphent dans des monuments opulents de l’allée centrale, à la hauteur de ce qu’ils furent. Le cimetière est toujours un microcosme de la société. Les gens aisés ont leurs quartiers, les classes populaires, leur zone spécifique bien marqués dans la qualité des monuments et la superficie des lots. Ceux qui toute leur vie ont porté l’uniforme, les pompiers morts en devoir, les communautés religieuses, entretiennent un cimetière dans le cimetière composé de stèles et d’épitaphes toutes semblables alignées dans un espace clôturé et bien fermé. Les plus riches pouvaient s’offrir une chapelle funéraire signée par un architecte et empruntant aux grammaires de style de civilisations plus ou moins lointaines.

À l’époque, pour une population qui vivait très près de la terre, il était normal que l’on finisse en terre. Aujourd’hui, pour une société qui habite des tours ou des barres à logement, il est logique que l’on finisse son temps dans les niches d’un mausolée-columbarium comme il en pousse partout dans nos grands cimetières ou dans de nouveaux aménagements laïques identifiés comme parcs consacrés à la souvenance.
Un lieu d’art
Le cimetière-jardin demeure toujours un haut-lieu d’expression artistique. Architectes du paysage, maîtres-jardiniers, maîtres-fondeurs, maîtres – forgerons locaux, sculpteurs sur bois et sur pierre, designers de monuments, architectes en bâtiments sont autant de disciplines et de métiers qui ont été mis à contribution notamment dans les grands jardins funéraires urbains où la beauté de la mort et du deuil éclate dans des compositions funéraires souvent inscrites dans le plus grand art. Il faut se promener dans les cimetières de Côte-des-Neiges à Montréal ou dans le cimetière Belmont à Québec où plusieurs de nos gloires sont inhumées, fréquenter certains cimetières de villes et de villages pour s’en convaincre. Nos jardins funéraires sont parfois de véritables galeries d’art à ciel ouvert, un art libre prêt à toutes les expériences. Un champ qui devrait donner lieu à de beaux livres de réflexion et d’émotion.


Des artistes aguerris ont travaillé l’aménagement. Des jardiniers sensibles sont intervenus pour l’embellissement des ensembles. Le saule pleureur, le chêne, l’érable étaient invités à participer à la dynamique symbolique et émotive du lieu, notamment en automne. Jadis, chaque lot bien défini par des bornes de pierre imitant un tronc d’arbre, reliées par des chaînes, par une tubulure ou par un muret était l’objet de grande attention horticole menée par les familles qui fleurissaient les tombes d’hydrangées, de rosiers, d’églantiers, de pensées, de Saint-Joseph et de Vieux-garçons multicolores pour le souvenir, et au printemps parfois, le tapis funèbre se truffait de crocus ou de myosotis évoquant la renaissance et l’immortalité. Mille jardins dans le grand jardin ! Plusieurs choisissaient des annuelles achetées en pot et transplantées. Cette pratique de fleurir les tombes a été considérablement réduite, voire éteinte dans les années 1960 avec le nettoyage des surfaces de toute entrave à la tondeuse mécanique à gazon.
Le Québec a connu des dizaines de fonderies. Et celles-ci ont toujours été d’une grande proximité avec le monde des âmes des fidèles défunts en fournissant des calvaires, des clôtures et des portails, des croix de lots de famille et même des sarcophages. Le cimetière de Saint-Anselme de Bellechasse offre tous ces éléments sortis de la fonderie locale au 19e siècle. Sous son banc d’église, dans l’espace de rampage du temple git le constructeur de la maison de Dieu, François Audet dit Lapointe, dans une tombe dite à l’égyptienne, comme celles qu’on trouve dans la Vallée des Rois, mais en fonte de fer. On peut encore y découvrir le visage parfaitement conservé de l’entrepreneur en glissant un couvercle ornementé couvrant une épaisse lunette de verre. Les journaux du temps faisaient la promotion de tels cercueils garantissant la conservation éternelle des corps. À Sainte-Hénédine, à Lotbinière, à Saint-Antoine-de-Tilly, dans plusieurs villages de Charlevoix, nos fondeurs ont fait chanter le métal dans les cimetières intégrant dans leurs œuvres des éléments décoratifs symboliques millénaires liés au monde des morts. Certains portails donnent l’illusion de travaux de fine dentelle.
La fonderie Carrier & Lainé de Lévis offrait des monuments commémoratifs inspirés des pinacles gothiques comme celui du colonel Cyrille Robitaille dressé dans le cimetière de Lauzon. Les fonderies d’art vont également enrichir nos grands cimetières en réalisant des bustes et des médaillons en bronze ornés de reliefs, et par différents éléments intégrés dans des compositions de monuments familiaux.
Le cimetière de L’Anse-Saint-Jean au Saguenay comporte 85 stèles étonnantes de main de forge sorties du génie inventif d’un artisan de village. Saint-Fulgence, et Métabetchouan sont d’autres paroisses où des artisans locaux du fer se sont donnés avec grande inventivité pour exprimer le passage sur terre de certaines âmes.

À Saint-Sévérin, d’étonnantes stèles de fer évoquant un calvaire dans une combinaison de croix résistent toujours au temps alors que certaines sont conservées précieusement dans les réserves du Musée de la civilisation. Celui ou celle qui aime se promener parmi les centaines de cimetières du Québec, guide en main, trouvera partout des œuvres martelées sur l’enclume par un forgeron du village, un artisan nécessaire dans toutes les communautés de la société traditionnelle du pays français.
Exemples de croix de fer forgé produites par le forgeron local, nombreuses dans le cimetière de Saint-Séverin en Beauce. Source: http://www.patrimoine-st-severin-beauce.org/portfolio-item/cimetiere/
Le conservateur de l’art ancien au Musée national des Beaux-arts du Québec, Mario Béland, nous a donné un excellent texte dans le magasine Cap-aux-Diamants sur l’usage du bois dans la statuaire d’ornement des cimetières et certains monuments commémoratifs de fidèles. Le calvaire de l’Ancienne Lorette à deux personnages demeure exemplaire à cet égard. Dans nos pérégrinations ethnographiques à travers le Québec, nous avons observé la présence de nombreuses stèles en bois remontant au 19e siècle et au début du 20e siècle. C’est d’abord dans ce matériau que l’on a rappelé le passage des vivants comme en témoignent des photographies anciennes de cimetières. Nous avons mis sur diapositives des œuvres étonnantes à Neuville, à Saint-Anselme, à Saint-Irénée-les-bains, à Sainte-Angèle-de-Laval, à Saint-Roch-des-Aulnaies, des monuments souvent richement sculptés avec en médaillon, un portrait du défunt, des œuvres sorties sans aucun doute d’ateliers professionnels ou d’artisans du bois de grand talent. Le cimetière sous la nef de Saint-Roch-des-Aulnaies donne une bonne idée de ce qu’étaient nos plus vieux cimetières de bois avant que le temps ne les ait réduits, comme les corps, en poussière.
En 1982, dans notre grande série sur les arts sacrés produite par l’Office national du film, nous avons conçu deux films documentaires sur le cimetière québécois. Le premier intitulé justement Le cimetière paroissial au Québec et le second, Memento te. Stèles et croix de cimetière au Québec. Nous voulions accrocher le grelot comme on dit, sur un volet du patrimoine national qui méritait grande attention. Trente ans plus tard, la Fabrique Notre-Dame de Montréal a produit un Guide des cimetières du Québec, un ouvrage étoffé dirigé par Mario Brodeur, auquel nous avons participé. Mille huit cents espaces funéraires y sont identifiés et présentés. Les meilleurs historiens et ethnologues spécialisés dans ce champ de la culture et de la mémoire y sont mis à contribution. C’est ici l’outil indispensable pour démêler le langage de la mort traduit notamment dans le matériel lithique. Nos cimetières sont particulièrement des jardins de pierre, le matériau de l’immortalité par excellence. Les granits, les marbres, les grès sortis de carrières locales et nationales ou importés composent l’essentiel des marques laissées par nos passages sur terre et regroupées dans ces espaces de terre bénie. Le Québec a connu partout des ateliers de fabrication de stèles de cimetière. Colonnes triomphales coiffées d’une croix, colonnes tronquées, colonnes carrées, stèles verticales graciles ou horizontales massives, compositions expressives complexes, tout cela tiré de la pierre. Même les anges appartenant à toutes les confréries d’anges, les adorateurs, les gardiens, les messagers et les figurations d’enfants seront tirés de la pierre, du marbre. Il faut marcher nos grands et moyens cimetières de ville pour lire cette forêt dense et impérissable du souvenir.
Mille procédés seront utilisés pour agrémenter les épitaphes. Certains comporteront un portrait sur ferrotype ou sur céramique du défunt. La majorité puisera dans une grammaire décorative symbolique classique sculptée en relief au sommet des stèles. Le saule pleureur, la poignée de main de l’adieu et de la bonne chance ou de l’accueil de Dieu, la tête d’ange, l’ancre de bateau pour marquer l’arrêt soudain, l’oiseau en vol, la couronne d’épines, l’urne cinéraire, la colombe tenant une branche d’olivier annonçant la terre promise, la figure divine, le cœur radié de l’amour infini, la pleureuse, l’agneau du sacrifice, la croix tombée, la rose, le trèfle, la bible, la feuille d’érable pour ne citer que quelques figures souvent agréablement stylisées. Et aujourd’hui, tous les objets qui identifient la passion d’une vie, sa guitare, sa voiture automobile, son bateau accompagneront le défunt dans le grand voyage en dessin stylisé au jet de sable sur le monument.
Conclusion
Toute une société revit et nous parle à travers les cimetières. Elle nous raconte notre passé à sa façon, avec art et avec foi. Aujourd’hui, ces lieux de paix offerts à la réflexion et à la contemplation sont devenus de véritables aires de repos, des parcs fréquentés pour la méditation, la contemplation et pour la libération de l’âme enracinée.
Au cours des trente dernières années, des administrations de cimetières catholiques ont tragiquement amnésié ce haut-lieu de mémoire en envoyant à la décharge la trace de ces anciens qui se croyaient en paix dans un lot acquis pour l’éternité, une limite qui n’existe pas droit. Partout, l’examen des baux a débouché sur un tragique vandalisme où, par impossibilité de rejoindre des descendants afin de renouveler les contrats de location des espaces, des milliers de stèles ont été retirées de leur terrain sacré et envoyées à la casse. Une seconde mort, celle-ci historique ! D’autre part, partout, des curés mal informés ont mené de grands ménages, tuant l’aménagement original du champ des morts et détruisant de vieilles pierres. Clôtures et portails d’origine ont été envoyés à la ferraille pour être remplacés par des pagées en maille de fer. Les grands arbres trop vieux et dits menaçants ont été coupés, les lots dégagés de toute fleur et arbuste pour l’entretien mécanique lui-même responsable de grandes blessures aux monuments. Le jardin romantique a perdu le gros de son cachet d’antan. Le cimetière du Mont-Marie à Lévis notamment, a subi ces mauvais traitements que nous avons dénoncés dans les médias nationaux. Mais heureusement, il subsiste de beaux cimetières marins, d’émouvants cimetières de campagne et de solides parcs funéraires urbains pour sustenter la soif de paix et de connaissance des passionnés.
Il y a 25 ans, en 1991, Alain Tremblay fondait à Montréal l’Écomusée de l’Au-Delà. Pendant ce quart de siècle, colloques savants, prises de position, recherches, brochures ont lentement sensibilisé les fabriques et les responsables de cimetières à mieux protéger les lieux dont ils avaient la garde. Toute une série de spécialistes universitaires, des fonctionnaires responsables des inventaires et de la conservation scientifique, des passionnés en région se sont joints à l’organisme d’éducation et de vigilance qui allait devenir une fédération à l’échelle nationale. Alain Tremblay a mené un travail exceptionnel et notre société doit lui être grandement redevable de la protection éclairée de ce patrimoine unique. Aux Journées de la culture, les membres de cette fédération de la région de Québec Chaudière-Appalaches réunis sous l’étiquette de Pierres mémorables invitent le grand public à des visites guidées des grands cimetières jardins de la capitale, parfois agrémentée d’un concert spécial, des événements courus, beau temps mauvais temps. L’anthropologue Brigitte Garneau présidente du groupe vient d’ailleurs de lancer un ouvrage impressionnant sur le cimetière Saint-Charles, Les pierres tombales nous parlent.
Oui les cimetières nous parlent. Il faut les écouter. Là résident en silence et en poésie, l’identité et la sensibilité d’un peuple enraciné.
Michel Lessard
Septembre 2017 à Lévis