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L’avenir de nos cimetières : Élargissement des responsabilités civiles des municipalités

Mémoire de la Fédération Écomusée de l’Au-Delà pour le patrimoine funéraire du Québec en vue de la consultation publique sur le renouvellement de la politique culturelle du Québec.

L’avenir de nos cimetières : Élargissement des responsabilités civiles des municipalités

Notre organisme, fondé en 1991 pour préserver et faire connaître le patrimoine funéraire du Québec, a, à ce jour, identifié plus de 3000 cimetières et autres lieux de sépulture existants ou disparus au Québec. À l’origine, nous étions loin de nous douter que, 25 ans plus tard, la fonction même du cimetière serait remise en question par d’importantes modifications dans les habitudes funéraires de la population québécoise, alors que plus de 60 000 personnes décèdent chaque année au Québec.

En effet, de plus en plus d’individus et de familles choisissent la crémation (plus de 70%) et la dispersion des cendres hors cimetière comme mode de disposition de leurs restes mortels. Bien qu’il n’existe pas de statistique précise sur ce phénomène, de nombreux cimetières situés dans les grands centres urbains, notamment le cimetière Notre-Dame-des-Neiges de Montréal, déclarent que plus de 40% des familles qui ont opté pour la crémation au cimetière repartent avec les cendres du défunt pour en disposer d’une manière non déclarée. Cette tendance serait en augmentation constante. Nous présumons que la vaste majorité de ces cendres se retrouve aujourd’hui dispersée dans la nature ou dans les cours d’eau. Pourquoi?

Loin de nous, l’idée de suggérer d’interdire cette nouvelle pratique de disposition des restes mortels qui correspond certainement à de nouvelles valeurs sociales et environnementales de la société contemporaine. Par contre, nous pouvons déplorer le bris de continuité historique avec le mode de disposition des restes mortels de nos ancêtres, c’est-à-dire l’inhumation traditionnelle, ainsi que les conséquences patrimoniales et financières dramatiques qu’entraînera cette évolution pour la conservation de ces lieux de mémoire pourtant si précieux. Lors des auditions sur le projet de loi 66 sur les activités funéraires à l’automne 2015, M. Germain Tremblay, qui parlait au nom de l’Assemblée des évêques du Québec, émettait l’idée que, pour contrer la désaffectation actuelle des cimetières, il fallait penser à leur revalorisation auprès du public.

Ainsi, nous assistions récemment à Montréal à l’inauguration, à grands frais, d’une imposante statue dédiée à Jean-Paul II au Repos Saint-François d’Assise, le deuxième plus important cimetière du Québec. Une cinquantaine de personnes assistaient à l’événement. Croit-on vraiment que c’est avec ce genre d’intervention, ou encore en ramenant la pastorale dans les cimetières comme certains le croient, que nous allons donner le goût à une population de moins en moins pratiquante de venir rejoindre les ancêtres dans ces lieux de sépulture? Le coût, financier e même que l’absence d’options quant à la façon de disposer ou de commémorer les défunts expliquent en grande partie ce désintérêt. La vision chrétienne des lieux de sépulture ne répond plus aux attentes d’une population qui serait beaucoup plus à la recherche d’options économiques et respectueuses  l’environnement tout en agissant dans la dignité.

Il est grand temsp d’envisager l’idée de la laïcisation et de la démocratisation de la gestion de ces lieux. Nos municipalités, même si elles ne le souhaitent pas vraiment, sont pourtant les seules instances légitimes habilitées à prendre en charge les cimetières paroissiaux qui, rappelons-le, sont d’abord un service public. Ce qui n’exclut pas la possibilité pour celles-ci d’en confier la gestion à un tiers. Par contre, ce tiers recevrait un cahier de charge précis, élaboré par une instance démocratiquement élue. La laïcisation et la démocratisation des cimetières sont essentielles pour en assurer la conservation. De plus en plus de petites municipalités commencent à s’impliquer, certaines se sont même dotées de politiques spécifiques à ce sujet, pensons à la municipalité de Sutton en Estrie. Nous comprenons que, dans les grands centres urbains, le volume d’activités funéraires permet encore à un certain nombre d’administrateurs de s’accrocher à l’illusion qu’ils peuvent encore, seuls et sans partage, gérer ces lieux.

Dans le cadre de la présente consultation sur le renouvellement de la politique culturelle du Québec, nous demandons au ministre de la Culture et des Communications, M. Fortin, de saisir l’occasion de réformer en profondeur la Loi sur les fabriques paroissiales. Un statut patrimonial minimal devrait être accordé à tous les cimetières et sites archéologiques funéraires du Québec et les cimetières confessionnels devraient se voir obligés d’en partager la gestion avec une population à la recherche de sens quant à la disposition des défunts.

L’adoption de la Loi sur le patrimoine culturel, en vigueur depuis le 19 octobre 2012, a élargi la notion du patrimoine en intégrant le patrimoine immatériel. Cette définition revue du patrimoine a permis de mieux cerner les dimensions des pratiques représentatives des faits et gestes de notre culture. Quatre ans plus tard, nous nous devons de maintenir les qualités reconnues de cette loi, entre autres cette approche élargie du patrimoine.

Ces dernières trente années, la question du patrimoine religieux a dominé le champ de nos préoccupations patrimoniales. Démolitions d’églises et conversions de lieux de culte sont devenues les phénomènes courants de nos réflexions. Nous devons nous interroger sur les responsabilités patrimoniales respectives des propriétaires, de la société civile, de l’État et des municipalités. La création du Conseil du patrimoine religieux a constitué une réponse à l’état de la situation de ce type de patrimoine. Cependant, nous devons faire le constat d’une laïcisation de notre société et de ses conséquences sur le patrimoine religieux, architectural et paysager, voire archéologique.

Les cimetières ont une importance particulière bien qu’ils ne soient régis que par l’autorité religieuse des différentes confessions. Au Québec, le décès relève à la fois d’une responsabilité civile et d’une modalité religieuse d’inhumation qui a été revue depuis l’autorisation de la pratique de la crémation des corps, lors du concile Vatican II en 1963-1964. Il nous faut ainsi nous préoccuper non seulement du patrimoine architectural, mais aussi du patrimoine paysager qui comprend les cimetières. Nous devons admettre qu’en l’absence d’un cadre religieux établi dévolu à l’inhumation, nous assistons à un certain désordre.

Pour répondre à cette situation, nous pensons qu’il serait utile d’élargir la responsabilité civile et d’y inclure l’inhumation. Les généalogistes avaient déjà soulevé la question de l’enregistrement civil du décès, d’une part, et l’absence de modalité pour confirmer l’acte d’inhumation au décès, d’autre part. Il nous faudra envisager la responsabilité civile des cimetières et, par conséquent, du rôle des fabriques en vertu d’une loi, elle aussi à revoir.

Nous pensons qu’un élargissement des responsabilités civiles des municipalités est à envisager, ainsi qu’une modification du Code civil pour répondre à la transformation des pratiques d’inhumation. Cela permettrait d’éviter ce que les entreprises funéraires constatent déjà.

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