
Fondateur de l’Écomusée du patrimoine funéraire et commémoratif
Dans notre bulletin La Veille, Automne 2018, (vol. 6, no. 3) Pour la saugarde du patrimoine religieux, il était question d’une pétition mise en ligne par la Fédération Écomusée de l’Au-Delà pour tenter de sauver notre patrimoine religieux. Nous présentions comme un cas type d’incohérence et de négligence patrimoniales l’église Saint-Eusèbe-de-Verceil, rue Fullum à Montréal. Récemment, un incendie criminel a endommagé cette église, de sorte que sa restauration devient de plus en plus compromise, voire impossible. Quel désastre! Article du 17 mars 2019 du Journal de Montréal.
Que fait l’Archevêché, légalement imputable de l’entretien du bâtiment? Rien. Il attend que les champignons effectuent le travail que les flammes ont entamé et que l’inévitable intervention des pompiers a poursuivi. Ainsi, et par la même occasion, cela permettra à l’Archevêché de faire ce que la Ville de Montréal interdit de faire, se débarrasser du bien! Nous faisions mention dans notre pétition « qu’en décidant de ne pas se décider, l’Église catholique, dépassée par l’ampleur du défi de gérer et de conserver son parc immobilier, [devenait] responsable d’un véritable désastre patrimonial. » Mais nous blâmions surtout l’État qui,« en refusant d’assumer son rôle de fiduciaire de notre héritage collectif [était] l’ultime responsable de ce désastre », nous réclamions la révision de la Loi sur les fabriques. Nous contestons la légitimité de l’Église et des fabriques à gérer seuls et sans partage un patrimoine qui appartient à toute la communauté.

À plusieurs reprises depuis 1999, nous avons tenté de convaincre les autorités religieuses de nous aider à réaliser des études de faisabilité visant à implanter, dans certaines églises à valeur patrimoniale, des fonctions funéraires sous forme de columbariums incluant salles de réception multifonctionnelles, qui cohabiteraient harmonieusement avec les activités sociales de groupes communautaires. Rien à faire, c’est le silence plat. Quand nous réussissons à parler avec un curé ou un responsable quelconque, on nous rétorque, avec un brin de condescendance, que nous sommes bien naïfs et que nous devrions plutôt analyser la question de façon plus globale en tenant compte de l’ensemble du patrimoine religieux. Attendre d’avoir une vision globale de la situation avant d’agir localement, voilà à notre avis, la meilleure façon de ne rien faire!
Encore récemment, nous avons contacté quelques partenaires potentiels des milieux funéraire et culturel qui se sont montrés très intéressés à participer à la création d’un consortium qui aurait pour objectif la réalisation d’une étude de faisabilité afin de trouver la manière la plus digne et la plus respectueuse de disposer de l’église Saint-Eusèbe-de-Verceil, rue Fullum, un bâtiment qui menace de s’écrouler ou d’être démoli si rien n’est fait. Une entreprise funéraire majeure dans la région de Montréal souhaitait participer avec nous à un consortium qui étudierait la possibilité de restaurer l’église ou de la démanteler pour réutiliser des pierres et des éléments architecturaux d’intérêt entre autres pour la conception de jardins cinéraires dans les cimetières. En dépit du fait que nous ayons regroupé de nombreux partenaires autour de la réaffectation de cette église de taille imposante et très belle, on nous dit que le projet ne serait pas rentable. Comment mesure-t-on la rentabilité d’un tel projet? Pù est l’étude qui a menéà cette conclusion? Et puis, la conservation des espaces communautaires doit-elle être rentable à tout prix?


Malgré qu’il existe un nouveau programme au gouvernement du Québec pour soutenir les communautés qui se mobilisent pour sauver leur patrimoine religieux, malheureusement, il ne peut s’appliquer à l’église Saint-Eusèbe parce que celle-ci est classée D! Pourquoi une église de cette ampleur se retrouve-t-elle ainsi déconsidérée? En fait, cette église est victime des effets pervers d’un système de classement qui évalue la valeur patrimoniale d’une église en fonction des autres églises dans le même secteur! Comme les plus grandes et les plus belles églises du Québec se trouvent majoritairement regroupées autour des anciens faubourgs de Montréal, ce qui est le cas de l’église Saint-Eusèbe, elle doit donc être comparée avec d’autres églises tout aussi remarquables. Donc, c’est parce qu’elle est la moins remarquable des églises remarquables qu’elle est déclassée! C’est un peu comme demander à un musée de comparer ses chefs-d’œuvre, les uns par rapport aux autres, et de déterminer lesquels doivent être sacrifiés pour boucler le budget! Nous ne pouvons que contester l’imposture dans laquelle se trouve cette église et plusieurs autres dans la métropole. Pour avoir le droit de sauver ces vieilles pierres, nous devons réclamer que le système de classement actuel soit revu.
En ce qui concerne la possibilité de réutiliser les vieilles pierres ou les éléments architecturaux pour la confection de jardins cinéraires, quelques entreprises contactées souhaitent étudier la question, mais pas avant qu’une décision ne soit prise à son sujet par l’archevêché!
Il semble que pour l’instant nous soyons condamnés à l’inaction et que nous devions attendre que la démolition devienne la seule option possible pour cette église. Déprimant et outrageant pour nos prédécesseurs qui ont investi leur pécule d’ouvrier dans l’élaboration de ce bâtiment et qui souhaitaient le voir survivre au travers des âges.