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Ancien Cimetière du Québec dans la prison Saint Vincent de Paul

Souvenirs du cimetière du pénitencier St-Vincent-de-Paul

Chronique du Fossoyeur:

Julien Desormeaux

Conducteur de four crématoire

Nous avons appris dernièrement que le cimetière du pénitencier St-Vincent-de-Paul a été rasé ! C’était un petit cimetière fédéral situé à l’extérieur de l’enceinte de la prison, un peu plus au nord sur la montée St-François. Il constituait une notable exception, car au moment de son ouverture il représentait l’un des rares cimetières du Québec qui n’ait pas relevé d’une institution religieuse.

Inauguré en 1873, le pénitencier de St-Vincent-de-Paul fonctionnait presque en autarcie, avec sa production maraichère et ses ateliers; posséder son propre cimetière s’avérait dans cette perspective très logique. C’était une pratique courante dans les pénitenciers fédéraux, qui, également, entre autres en Ontario, se faisait fort de fournir les cadavres nécessaires aux différentes facultés de médecine, ce qui évitait aux étudiants d’avoir recours à des procédés douteux pour s’en procurer.

Plusieurs hôpitaux de Montréal du 19e siècle avaient aussi l’habitude de prendre en charge les malades qui mouraient indigents, mais plutôt que d’avoir leur propre cimetière, ils avaient des concessions dans des cimetières existants. L’hôpital St-Jean-de-Dieu dans le village de la Longue-Pointe faisait toutefois exception (l’actuel hôpital Hippolyte-Lafontaine), mais ce cimetière est aujourd’hui disparu sous un stationnement de l’entrepôt de la Société des Alacolls du Québec (SAQ) près du pont-tunnel Louis-hyppolyte-Lafontaine.

Rien n’empêchait toutefois un détenu d’être enterré dans un cimetière paroissial auprès des siens. Le cimetière carcéral servait à ceux qui n’avaient pas de famille pour réclamer les corps ou encore pour les cas de suicide ou de peine capitale. Car avec la morale qui prévalait à l’époque, enterrer un forçat avec les membres de sa famille pouvait porter scandale. Il faut savoir que les corps des suicidés n’étaient pas admis dans les cimetières catholiques; bien que certains cimetières avaient un petit coin à l’écart que l’on appelait la section des pendus qui ne faisait canoniquement pas partie du champ des morts et où toute forme d’épitaphe était interdite. Il est très difficile d’identifier les gens qui y reposent, car les seules inscriptions gravées sur l’unique monument sont des numéros de matricule. Comme si l’on avait voulu dépersonnifier et punir le détenu jusque dans l’au-delà… Bien qu’on y pratiquait des rites chrétiens lors des inhumations (des aumôniers catholique, protestant et juif étaient attachés à la prison), ce cimetière n’était pas consacré, il n’était ni catholique ni protestant.

Il est infiniment regrettable que le gouvernement fédéral n’ait pas valorisé davantage ce très rare témoignage de cimetière carcéral au Québec dans un quartier qui a été tant marqué par la présence du Vieux Pen et des autres établissements de détention, d’autant plus qu’une partie des bâtiments du site a été reconnue comme lieu historique national !

Vous trouverez dans un album photos Facebook de Patrimoine funéraire Montréal, deux photographies qui sont, à notre connaissance, les seules disponibles. Si vous détenez des informations sur ce cimetière, nous vous serons reconnaissants de nous les partager avec nous.

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