Chronique Histoire:
Montmagny se situe sur la Côte-du-Sud à une cinquantaine de kilomètres à l’est de la ville de Québec. Une promenade respectueuse dans le cimetière de cette ville d’un peu plus de 11 000 habitants permet de constater rapidement que ce lieu de dernier repos possède un patrimoine funéraire particulier. Ce cimetière est le quatrième à voir le jour dans cette localité depuis 1679.
Le premier cimetière de cette localité est aménagé en bordure du fleuve, où l’on retrouve l’église et les premières maisons de Saint-Thomas-de-la-Pointe- à-la-Caille. À cause de l’érosion provoquée par les eaux du fleuve qui grugent les terrains du cimetière et de l’église, le choix s’impose en 1770, de déménager le cimetière et l’église dans un lieu plus sûr . Cette année-là, le noyau institutionnel catholique de Saint-Thomas se retrouve sur un nouvel emplacement à proximité de la rivière du Sud. Ce noyau est à l’origine de la formation du village de Saint-Thomas.
Cent ans plus tard, avec l’augmentation de la population et de la mortalité, le besoin d’un nouveau cimetière devient impératif . On déménage alors les sépultures du deuxième cimetière sur un terrain au sol argileux, à quelques pas au nord de l’église. Puis, en 1902, le curé de la paroisse, Odilon Marois, achète avec son argent un vaste terrain à l’ouest de la ville pour l’aménagement d’un nouveau cimetière. Notons que l’acquisition de ce nouvel espace funéraire n’est pas étarnger au fait que, au début des années 1900, les paroissiens sont de moins en moins favorables à l’enfouissement de sépultures dans des fosses argileuses gorgées d’eau.
Le nouveau lieu de dernier repos porte désormais le nom de cimetière Saint-Odilon, appellation qui témoigne du dynamisme de son propriétaire, le curé Odilon Marois. Comme le cimetière se situe à deux kilomètres de l’église, on assiste à la création d’un premier service de pompes funèbres en 1902, celui de la famille Normand.
Ce jardin des morts ne fut jamais officiellement consacré religieusement. On adopte plutôt la pratique de consacrer individuellemenr les fosses. Ce nouveau site sera agrandi et aménagé à quelques reprises pour lui donner l’aspect d’un cimetière jardin. Un observateur de l’époque n’hésite pas à affirmer que le cimetière de Montmagny «sera l’un des plus enchanteurs du Québec pourvu que l’on procède à un plan méthodique et que les embellissements, les monuments et les inscriptions soient contrôlés par qui de droit».
Le cimetière de Montmagny possède un patrimoine funéraire diversifié. On y trouve, datant des années 1900, un calvaire sculpté en bois, qui est remplacé en 1923. On aurait utilisé de la pierre blanche provenant de l’ancienne église de la paroisse pour ériger sa base. Ce calvaire est alors flanqué par quatre sculptures en bronze réalisées par l’Union artistique internationale de Vaucouleurs en France. Elles représentent Jésus en Croix, sa mère, Marie-Madeleine et saint Jean. Le cimetière de Montmagny aurait pour un temps accueilli six grandes sculptures provenant de l’ancienne église de la paroisse Saint-Thomas et ayant représenté les six évangélistes, le Sacré-Cœur et le Saint-Joseph. Mais nous ignorons le sort de ces œuvres.
Ayant appartenu au curé Odilon Marois durant une vingtaine d’années, le cimetière est acquis officiellement par la fabrique de Saint-Thomas le 2 mai 1921. Dans les années suivantes, la fabrique procède à certains aménagements. On décide de ne plus y placer de croix en bois et de croix en fonte fabriquées à la fonderie d’Amable Bélanger, parce que la base en béton s’effrite, rendant vulnérable ces deux types de croix. Mentionnons que la production de croix en fonte fut l’un des créneaux de cette fonderie établie à Montmagny en 1867 et ayant donné son nom aux appareils ménagers de marque Bélanger.
La partie boisée du cimetière comprend plusieurs monuments funéraires consacrés à des personnalités publiques et des notables magnymontois. La stèle funéraire d’Étienne-Paschal Taché (1795-1865) rappelle le rôle de ce médecin militaire et homme politique, considéré aujourd’hui comme l’un des Pères de la Confédération. L’histoire de la sépulture de Taché est étonnante, car on a procédé aux translations de ses restes à deux reprises.
Les sépultures de plusieurs notables magnymontois se retrouvent, entre autres, sur un plateau aménagé en 1960 et qui comprend des lots de famille bétonnés. S’y trouve également un chemin de croix érigé en 1924 avec des pierres de taille de Saint-Marc-des Carrières. Plus tard, au début des années 1980, deux columbariums sont érigés par la Maison funéraire Laurent Normand. Une corporation de gestion, formée en 1992 et réunissant des représentants des fabriques de Saint-Mathieu et de Saint-Thomas, assume l’aménagement de ce cimetière.
Le cimetière de Montmagny comprend un monument commémoratif rappelant la mémoire des soldats tombés au front lors de la Première Guerre mondiale. Ce marbre est inauguré en présence de Lord Bing de Vimy, alors gouverneur général du Canada, le 18 septembre 1923. Plusieurs stèles funéraires rappelant la mémoire de maires ou d’hommes d’affaires de Montmagny sont dignes d’intérêt. Mentionnons celles du premier maire, Nazaire Bernatchez (1838-1906), et de l’industriel Émile Collin (1881-1958). Le cimetière comporte aussi un caveau surmonté en saillie par l’inscription Bernier. Il est resté à l’abandon.
En somme, le cimetière de Montmagny est un trésor bien gardé sur la Côte-du-Sud. Voici les principales personnalités publiques qui y reposent :
- Sir Étienne-Paschal Taché (1795-1865), premier ministre du Canada-Est en 1864-1865;
- Amable Bélanger (1846-1919), le fondateur de la fonderie Bélanger;
- David Ovide Lespérance (1864-1941), sénateur;
- Philippe-Auguste Choquette (1854-1948), homme politique et sénateur;
- Joseph Marmette (1844-1895), écrivain.
En 2015, la ville de Montmagny marquait le 150e anniversaire du décès de Sir Étienne Paschal Taché. Ses archives faisaient état de funérailles grandioses, les plus fastes que n’ait jamais connues Montmagny.