Chronique Histoire:

Reviseur linguistique

Cofondatrice de Montréal avec Maisonneuve le 17 mai 1642, nommée comme telle dans sa première biographie, écrite en 1934 par Marie-Claire Daveluy, et reconnue officiellement à ce titre en 1992, à l’occasion du 350e anniversaire de Montréal, Jeanne Mance fut également la fondatrice de l’Hôtel-Dieu de Montréal, jouant un rôle important dans la fondation de la ville.
Comme le rapportait à l’époque François Dollier de Casson dans son Histoire du Montréal, 1640-1672 : après avoir engagé Maisonneuve, les Associés « avaient besoin d’une fille ou bien d’une femme de vertu assez héroïque et de résolution assez mâle pour venir en ce pays prendre le soin de toutes ces denrées et marchandises nécessaires à la subsistance de ce monde, et pour servir en même temps d’hospitalière aux malades et blessés ».
C’est ainsi que la Damoiselle Mance, infirmière laïque née le 12 novembre 1606 à Langres, en Champagne, fut recrutée et qu’elle et Maisonneuve avant même de fouler le sol de la Nouvelle-France,devinrent membres de la Société de Notre-Dame de Montréal, tous deux ayant été engagés par Jérôme le Royer de la Dauversière.
Lorsque le 23 décembre 1640 meurt Claude de Bullion, sa veuve, Angélique Faure de Berlise, hérite d’une fortune. Elle est une dévote qu’intéressent toutes les œuvres de charité. Et quand le père Rapine (!) lui présente Jeanne Mance, celle-ci trouve sa principale protectrice. Madame de Bullion propose à la jeune infirmière de financer un hôpital en Nouvelle-France, à l’exemple de Madame d’Aiguillon, bienfaitrice de l’Hôtel-Dieu de Québec. Madame de Bullion deviendra ainsi non seulement la protectrice de Jeanne Mance, mais aussi la bienfaitrice de l’Hôtel-Dieu de Montréal.
Quant au rôle propre de Jeanne Mance, avant son embarquement, il fut déterminant; car d’instinct, elle se fit la promotrice du projet de fondation et c’est elle qui suggérera à Jérôme le Royer de la Dauversière de produire des copies des Véritables motifs de la fondation, avant son départ, documents qu’elle sut assortir d’un mot personnel, adressé à quelques membres féminins, influents de la Cour, dont notamment Madame de Bullion, laquelle fut longtemps identifiée, sur sa demande, comme la « bienfaitrice inconnue ».
C’est Jeanne Mance qui amènera la majeure partie des capitaux pour fonder Montréal. Grâce à elle, une somme colossale de 200 000 livres (deux millions de dollars en monnaie actuelle) sera recueillie lors d’une assemblée de la Société de Notre-Dame de Montréal tenue à Paris.
Le 9 mai 1641, à La Rochelle, Jeanne Mance s’embarque à bord d’un navire avec douze hommes, dont Maisonneuve à bord d’un autre navire avec vingt-cinq hommes. Le bateau de Jeanne Mance arrive à Québec un mois avant celui de Maisonneuve, et c’est elle qui rassure les troupes et dirige les opérations. Par ses aptitudes naturelles, en ce qui touche l’ensemble des besoins, lors de la fondation de Montréal, Jeanne Mance avait choisi de s’occuper des choses du « dedans », voire de l’intérieur, alors que les Associés durent composer avec les choses du « dehors » (ce qu’on appellerait aujourd’hui la logistique).
Par la suite, lors de leurs voyages en France, il y en avait toujours un des deux qui restait en poste à Montréal pendant l’absence de l’autre. En 1663, Jeanne Mance sera présente à Paris lors de la cession de l’île de Montréal aux Sulpiciens. C’est elle qui passe le flambeau des valeurs de la fondation pendant que Maisonneuve reste en poste à Montréal.
Un an avant sa mort, Jeanne Mance est invitée sur le site d’érection de la première église Notre-Dame. Ce qui amène l’historien émérite Marcel Trudel à reconnaître son œuvre : «Le rôle crucial de Jeanne Mance dans la fondation de Ville-Marie [ancien nom de Montréal] est reconnu publiquement lorsqu’elle est appelée à poser une pierre angulaire de l’église Notre-Dame en 1672.»

Le 18 juin 1673, quand Jeanne Mance meurt, Marguerite Bourgeoys est à ses côtés. Supérieur des Sulpiciens et seigneur de l’île de Montréal, François Dollier de Casson, qui a dessiné les plans de la première église paroissiale, construite de 1672 à 1683 et détruite en 1830 pour laisser place à la basilique Notre-Dame, célèbrera les funérailles de Jeanne Mance dans la chapelle de l’Hôtel-Dieu de la rue Saint-Paul, qu’elle aura dirigée jusqu’en 1659.
Son corps est inhumé le 19 juin sous la chapelle, tandis que son cœur est conservé dans un vase d’étain, sous la lampe du sanctuaire. (Après la mort de Jeanne Mance, les Hospitalières de Saint-Joseph, cloîtrées depuis 1671, et qui s’étaient jointes à sa cause en 1659, lui succéderont dans la gestion de l’hôpital à partir de 1676.)
L’incendie qui détruit la chapelle, dans la nuit du 24 février 1695, consume le vase. Le portrait de la bienfaitrice, Madame de Bullion, disparaît en même temps. Le corps demeure en terre, sous la chapelle reconstruite en 1702. En octobre 1803, soit 100 ans plus tard, les Hospitalières de Saint-Joseph transfèrent quinze cercueils contenant les ossements de Jeanne Mance et des sœurs décédées, dans une voûte plus spacieuse sous le chœur.
En 1861, lors d’une grandiose cérémonie de translation, les restes de 178 religieuses et de trois laïques, dont Jeanne Mance, sont conduits du Vieux-Montréal au nouvel Hôtel-Dieu de l’avenue des Pins. Les ossements contenus dans 23 cercueils sont placés dans une crypte, sous la chapelle, où ils reposent depuis (voir photo de la crypte).
Personnage hors du commun, Jeanne Mance demeure, par sa stature, au cœur de l’histoire de Montréal… et dans la mémoire des Montréalais depuis 375 ans!
Avec les remerciements de l’auteur à Gilbert Lévesque, Annabel Loyola et Danielle Shelton pour les textes de référence.