Géographe et auteure
L’année 2008 a marqué le tricentenaire de la mort de Mgr de Laval, premier évêque en Nouvelle-France. À sa mort, le matin du 6 mai 1708, cet homme pieux et austère souleva une dévotion populaire telle qu’on vénéra son corps comme celui d’un saint : le docteur Michel Sarrazin retira son cœur de sa poitrine, le frère Houssart trempa des linges dans son sang, prit quelques os et coupa ses cheveux. Il distribua ainsi plus de 3000 reliques.
Né en France à Montigny-sur-Avre (Eure-et-Loir), le 30 avril 1623, François de Laval est le troisième fils d’une famille de 8 enfants. Son père, Hughes de Laval, et sa mère, Michelle de Péricard, sont nobles mais peu fortunés. Du côté de sa mère se trouvent plusieurs gens de robe, dont son frère, François de Péricard, qui occupe le siège épiscopal d’Évreux.
François est attiré par la vie religieuse, souhait qu’encouragent ses parents. À huit ans et demi, il est tonsuré et prend la soutane au collège des Jésuites de La Flèche. Pendant dix ans, il étudie les lettres et la philosophie. Puis, en 1647, à l’âge de 24 ans, il est ordonné prêtre par son oncle évêque d’Évreux. Il devient chanoine de la cathédrale d’Évreux, puis archidiacre d’Évreux de 1646 à 1653. Ce poste rémunéré va lui permettre de poursuivre ses études après la mort de son père, survenue le 11 septembre 1636. Autour de lui, on loue sa piété, son zèle et sa vertu. Son éducation chez les Jésuites lui a donné le goût de la vie missionnaire. Mais ses liens avec cet ordre religieux trop indépendant de Rome l’empêchent d’accéder au poste de vicaire apostolique en Indochine. En France, les luttes intestines entre l’Église et l’État font qu’en 1658 Laval est nommé vicaire apostolique plutôt qu’évêque de Québec. Ainsi Rome garderait son autorité sur les affaires de la Nouvelle-France.
Le 13 avril 1659, Mgr de Laval s’embarque pour l’Amérique avec pour seul revenu une rente de 1000 livres. Dès son arrivée à Québec, il s’empresse de visiter les quelque 75 familles qui forment la petite agglomération. La visite pastorale d’un territoire aussi vaste et peu peuplé (environ 2 000 habitants entre Québec, Trois-Rivières et Montréal) est une véritable entreprise de pionnier. En canot mené par deux paysans ou en raquettes sur les glaces, François de Laval s’arrête pour confirmer même s’il n’y a que trois familles. L’évangélisation des Amérindiens est pour lui l’emploi le plus important dans l’Église. Il s’oppose aux commerçants qui abusent des autochtones en échangeant avec eux de l’alcool contre des peaux de castors.
En 1663, Laval fonde le Séminaire de Québec. Cet établissement d’enseignement religieux servira aussi de Clergé à la nouvelle Église. Le partage et la mise en commun des ressources et des biens pour les prêtres est au cœur de l’esprit évangélique de Laval. Marie de l’Incarnation écrit à son fils en 1670 : « c’est bien l’homme du monde le plus austère et le plus détaché des biens de ce monde.. » Cette austérité se répercute aussi dans ses goûts musicaux alors qu’il interdit aux Ursulines de chanter à la messe car il craint que nous ne prenions de la vanité en chantant (…). Aux jours de fête, Mgr de Laval apprécie peu les joueurs de tambour et de fifre qui entrent dans l’église pendant la messe.
En 1674, Mgr de Laval devient premier évêque de l’Église canadienne. De plus en plus malade et épuisé, le prélat retourne en France et remet sa démission. En 1688, Mgr de Saint-Vallier devient son successeur. Mgr de Laval reviendra au Canada pour y finir ses jours. En plus d’importantes plaies aux jambes et aux pieds, le vieil évêque porte un cilice, mange peu et dort sur la dure dans une chambre sans poêle. Le Vendredi saint de 1708, il contracte au talon une engelure fatale.
Son corps est exposé 3 jours dans la cathédrale toute décorée de noir. Son cœur est gardé au Séminaire et son corps inhumé dans les caves de la cathédrale, car la chapelle du Séminaire, incendiée, n’est pas reconstruite. En 1745, au cours de rénovations, le cercueil de l’évêque est déplacé. Puis, le 19 septembre 1877, deux ouvriers découvrent la précieuse tombe. Le Séminaire réclama les restes de leur fondateur et l’archevêché s’inclina. Les Sœurs de la Charité plongèrent les os dans la cire pour les protéger. De somptueuses célébrations entourèrent ce deuxième enterrement dans la chapelle du Séminaire. En 1950, pour favoriser la dévotion, on déplaça à nouveau la tombe de Mgr de Laval dans une chapelle funéraire construite à grands frais. Son corps est alors placé sous un gisant de marbre blanc. Cette chapelle deviendra une partie du Musée du Séminaire et sera désacralisée en 1993. À cette occasion, le corps de l’évêque est transféré à la basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec dans une chapelle funéraire construite en 1992-1993.
Il repose sous un gisant de bronze qui surplombe une reproduction en granit d’une carte ancienne de la Nouvelle-France. Le 22 juin 1980, le pape Jean-Paul II a élevé l’évêque au rang des bienheureux. Le 3 avril 2014, il est canonisé par le pape François. La ville de Laval, l’université Laval et un hôpital ont été nommés en sa mémoire. Parcs Canada a désigné Personnage historique national Monseigneur François de Montmorency Laval.