
Géographe et auteure
« Ma seule grande ambition aura été d’arriver, en travaillant fort, à chanter encore mieux. Je cherchais d’abord, dans le chant, mon propre bonheur et, du même coup, celui des personnes qui en tiraient beaucoup de joie. »
Richard Verreau voit le jour dans un joli village de la côte de Beaupré, Château-Richer, le 1er janvier 1926. Son père, Alphonse, est ouvrier dans une manufacture de briques. Robuste et vaillant, il donne à son jeune fils le goût de l’endurance et du travail bien accompli. Sa mère, Marie-Jeanne Gravel, mélange de timidité et d’audace, comme le sera le ténor, possède une belle voix naturelle, tout comme plusieurs membres de sa famille. D’ailleurs son cousin, Louis Gravel, devenu maître de chapelle, donnera des leçons à Richard.
À l’église paroissiale, Richard apprend le solfège du vicaire qui lui confie de plus en plus souvent des soli : il découvre alors qu’il chante mieux que d’autres. Voyant les gens heureux de l’entendre, il veut chanter encore mieux! Quand la famille déménage dans le quartier Limoilou, à Québec, Richard se retrouve dans la chorale de la paroisse Saint-Charles. Sa voix mue, mais il n’arrête pas de chanter, souvent en solo, ce qui lui attire des compliments. Le jeune ténor a trouvé sa voie.
Pendant quatre ans, Richard étudie le chant grégorien à l’Université Laval. Pour aider ses parents à payer ses études, il travaille comme apprenti mécanicien dans un garage et chante lors de mariages et de funérailles. Émile Larochelle, qui avait déjà formé Raoul Jobin et Léopold Simoneau, lui donne des cours privés. À 22 ans, Richard Verreault gagne deux concours organisés par l’Orchestre symphonique et le club Rotary de Québec. Après une audition avec Raoul Jobin, celui-ci met tout en œuvre pour que son protégé poursuive des études à Paris. Wilfrid Pelletier prépare aussi le terrain. Puis, un jour, Maurice Duplessis téléphone à Verreault et lui parle malicieusement de son « bel organe » et d’études dans la capitale française. Mais avant de partir, Richard a eu un coup de cœur et se fiance avec Thérèse Beaudet.
À Paris, Richard travaille le côté technique du chant, élargit son répertoire et apprend des notions d’art dramatique. Après deux ans de vie cachée, la Société symphonique d’Évreux l’invite à chanter Faust. En 1951, il se joint à l’Opéra de Lyon. De retour à Québec, il se marie et rencontre Beniamino Gigli qui l’invite à se perfectionner en Italie. Le maître trouvait « que je chantais un peu trop ouvert, à la française », écrit Verreau dans Chanter plus beau (2000). Mais après quelques mois de labeur, sa voix se ferma au point de bloquer! Découragé, Verreau téléphone Gigli qui lui dit de venir le rencontrer. Droit devant son élève, Gigli le prend par les épaules et entonne Que gelida manina de La Bohème. Il dit ensuite « Faites comme moi ». Comme par magie, la voix de Verreau se débloqua! « Chanter plus beau », pas seulement avec son appareil physique mais avec son cerveau, sa musique intérieure, comme le chant grégorien qu’il avait appris, voilà ce Gigli enseigna à Verreau.
Avec une nouvelle solidité dans la voix, Verreau, qui a raccourci son nom pour faciliter sa prononciation en d’autres langues, multiplie les apparitions à Radio-Canada avec l’Orchestre symphonique de Montréal, débute au New York City Opera dans Mignon, chante au Covent Garden dans La Bohème puis à San Francisco. Le Requiem de Verdi, qu’il interprète admirablement, est son porte-bonheur. (Le ténor Guy Bélanger nous apprend qu’il a en sa possession cette partition remplie d’annotations et portant son nom en lettres d’or). Verreau se produit notamment à Vancouver, au Théâtre lyrique de Nouvelle-France, au Metropolitan Opera, et effectue trois tournées en Union Soviétique. La Damnation de Faust (Deutsche Grammophon) se méritera le Grand Prix de l’Académie du disque de France en 1961.
À 39 ans, le grand ténor commence à éprouver des problèmes à la gorge. Une chirurgie altère gravement sa voix. Pour tromper son désespoir, Verreau ouvre une galerie de tableaux. Mais le désir de chanter est toujours là et Richard demande à son amie Colombe Pelletier de l’aider à rebâtir sa voix. Le ténor chante à nouveau pour ses amis. En 1991, la compagnie BMG réédite six de ses enregistrements réalisés par la RCA. En 2004, Verreau devient Ambassadeur de l’Opéra de Québec. Il est aussi Grand Québécois et Officier de l’Ordre du Canada. Le ténor s’éteint le 7 juillet 2005 à la Maison Michel-Sarrazin, à l’âge de 79 ans.


Les funérailles sont célébrées en l’Église du Très-Saint-Sacrement, à Québec. Surprise! Verreau chante encore plus beau Il lamento di Federico de Cilea (L’Arlesiana), un enregistrement inédit. Une idée de son fils Jean, également ténor, qui promet de faire endisquer bientôt des pièces inédites de son père.
On peut saluer le grand homme au cimetière-jardin Notre-Dame-de-Belmont, avenue Saint-Jacques.