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De l’apologie des jardins de mémoire

Chronique du Jardinier:

Jean-Jacques Lincourt

Consultant, ex-directeur Jardin botanique de Montréal

On remarque à la télévision depuis quelque temps une publicité d’une entreprise bien connue de la région de Québec offrant complexe funéraire et cimetière. Plutôt qu’une urne cinéraire oubliée au fond du garage de la maison sur une tablette empoussiérée, on nous propose une disposition dans un cimetière-jardin où l’on voit de beaux espaces paysagers, des arbres, des fleurs et un joli petit ruisseau. On fait ensuite appel aux souhaits de disposition du spectateur en demandant : « Est-ce vraiment ce que vous voulez? » (l’urne oubliée)

Les stratèges commerciaux de l’entreprise ont-ils jugé que les prochaines générations à entrer au cimetière seraient sensibles à ce type de service ? Si cette sensibilité s’avère, personnellement, le jardinier que je suis, je ne peux que s’en réjouir. Ces espaces disposent convenablement de nos défunts, nous permettent de nous y rendre seuls ou en groupe dans un cadre serein, reposant et propice à l’exercice de mémoire qu’on aime pratiquer à l’occasion. Ils nous laissent, après une visite, un peu plus de vie, de santé et peut-être même de joie de vivre. Autrement dit, les défunts en ayant planifié leurs derniers arrangements de cette façon font aux vivants un legs bienfaisant. Les sbires du commerce funéraire devraient alors plutôt dire : « Ajoutez à votre héritage une bouffée de fraîcheur pour vos descendants! »

Cette pratique réjouit également le cœur d’urbaniste qui m’anime. Plus il y aura de ces cimetières-jardins sur nos territoires, meilleure sera la qualité de nos milieux de vie. Contrairement à tous ces complexes d’habitation développés de façon discutable à la périphérie des villes où la verdure est rare, coût élevé du pied carré oblige, ces espaces apportent une bouffée d’air frais, un écrin de nature permanent autour de nous. De plus, contrairement au parc municipal qui pose problème au promoteur-développeur par l’utilisation de précieux et coûteux pieds carrés à des fins non rentables, le concept de ces jardins intègre la notion de rentabilité et apporte avec lui la solution à son financement.

Sans en avoir fait une analyse exhaustive, je crois cependant que ces nouvelles installations se situent souvent dans des milieux éloignés des villes où règnent le silence et la quiétude. Alors, me direz-vous, mais quel est le bénéfice pour les vivants? Où est cette bouffée de fraîcheur dans ces îlots de chaleur? Je vous répondrai d’une part, sans être futurologue, que la ville, à voir son développement tentaculaire du dernier siècle, finira bien par rejoindre ces lieux qui en constitueront alors le tissu. D’autre part, si cette vision d’une disposition éternelle dans un lieu naturel se répand et que cette pratique s’étend, il n’est pas interdit de penser que les vieux cimetières, déjà rejoints par la ville et souvent pauvres en végétation, se mettront eux aussi au verdissement.

Nous en reparlerons…

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