Géographe et auteure
La présence des Irlandais au Québec remonte à l’époque de la Nouvelle-France alors que plusieurs soldats irlandais, exilés en France, joignent les régiments français qui viennent servir en Amérique. En France, les Irlandais sont si nombreux qu’en 1578, le Collège irlandais ouvre ses portes à Paris pour assurer l’éducation catholique des enfants, ce que refusent les autorités britanniques irlandaises.
En Amérique, plusieurs soldats irlandais cachent leur identité aux britanniques en choisissant un nouveau nom à consonance française. À la fin des années 1600, environ 5% des familles installées en Nouvelle-France sont irlandaises. En 1871, après une émigration européenne massive, cette proportion atteint 10%. Les Irlandais sont les plus nombreux, après les Français.
L’année 1847 est particulièrement tragique. La maladie de la pomme de terre entraîne une terrible disette en Irlande. Au port de Québec, l’émigration triple, atteignant 90 150 personnes. Entre le 14 mai et le 1er novembre, 400 bateaux défilèrent dans le passage de la quarantaine, en face de La Grosse Ïle. Plusieurs passagers, atteints du typhus, sont malades ou mourants. Sur la Grosse Ïle, le « cimetière des Irlandais », situé dans la péninsule sud-ouest, est le principal témoin de cette tragédie. Sur le monument commémoratif aux médecins, figure le chiffre de 5424 sépultures.
Le 15 août 1909, une croix celtique de 14 m de hauteur fut inaugurée à la mémoire des Irlandais sur le plus haut promontoire de l’île. Devenue lieu historique national, La Grosse Ïle recèle encore une centaine de bâtiments qui ont servi à accueillir, soigner et désinfecter les malades. Heureusement, les centaines d’orphelins de cette tragédie ont été accueillis par des familles francophones qui ont conservé les noms d’origine.
Les Irlandais ont beaucoup contribué à l’enrichissement collectif de la société québécoise. Depuis le 19e siècle, plusieurs personnages se sont distingués dans la vie publique. Mentionnons Lewis Thomas Drummond et Edmund Bailey O’Callaghan, tous deux avocats et défenseurs des droits francophones au cours des troubles qui ont mené à la rébellion de 1837. Ce dernier du fuir aux État-Unis en compagnie de Louis-Joseph Papineau. Thomas D’Arcy McGee, journaliste, poète et grand orateur a été l’un des Pères de la Confédération. Il fut assassiné à Ottawa le 7 avril 1868.
Charles Fitzpatrick a défendu Louis Riel en 1885 et Honoré Mercier en 1892. Il a été nommé juge en chef du Canada et lieutenant-gouverneur du Québec. À Sillery, une rue porte son nom.
Plus près de nous, plusieurs hommes politiques comptent parmi leurs ancêtres des Irlandais : Claude Ryan, Louis O’Neil, Brian Mulroney et Jean Charest.
Dans le domaine des arts, le poète Émile Nelligan et la chansonnière Mary Travers, surnommée La Bolduc, étaient à moitié Irlandais. Mary Rose Anna, autodidacte, chantait, jouait du violon, de l’accordéon et de l’harmonica. Au cours de soirées avec des voisins, elle interprétait des reels irlandais tout en y intégrant des turlutes acadiennes. Elle créa ainsi un folklore original qui servit de base à la chanson québécoise. La Bolduc est considérée comme la première auteure-compositeure-interprète du Québec. Née à Newport, en Gaspésie, elle mourut à Montréal, à l’âge de 46 ans. Elle est inhumée, comme D’Arcy Mc Gee, au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, à Montréal. Sur son monument on peut lire : Mme Édouard Bolduc Célèbre cantatrice née Marie Travers 1894 1941.
Plus tard, le réputé violoneux Ti-Jean Carignan donnera aussi à sa musique un caractère particulier en y intégrant les traditions et les techniques musicales irlandaises (CISF).
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