Chronique Histoire:

Anthropologue
Cette entrevue a été réalisée auprès de mon grand-père maternel, Walter Morin (1898-1989). L’homme, alors âgé de 80 ans, se remémore quand il a déterré le cadavre de son grand-père maternel en 1939 à l’occasion de la mort de sa grand-mère maternelle. Le tout se passe au cimetière Saint-Martin de Beauce. Ses propos sont intéressants à plusieurs égards. Ils démontrent que la résidence dans la mort dans le Québec traditionnel est influencée par le système de filiation indifférenciée, où l’individu doit accomplir ses devoirs et ses obligations envers ses ancêtres, autant du côté maternel que paternel. Ils font également état d’us et coutumes en matière de relocalisation de restes humains individuels. Enfin, ils dévoilent la tenue vestimentaire d’un défunt cultivateur issu de milieux ruraux beaucerons durant les années 1920.
« Ma grand-mère [Marie Rodrigue (1848-1939)] venait d’être enterrée, pis mon grand-père [Abraham Paré (1843-1922)], on l’avait mouvé. On l’avait pris à l’autre bout du cimetière, on l’avait mis dans une petite boîte, pis on l’a remis dessus [ma grand-mère]. [En 1952], il avait creusé, lui, pis Marie-May, on l’a mis par-dessus.
La tombe de ma grand-mère [Marie Rodrigue (1848-1939)] est la première au fond, pis mon grand-père, c’est rien qu’une petite boîte, parce qu’on l’avait sorti d’une autre tombe, on a pris juste les os, on les a mis dans une petite boîte, pis on les a mis par-dessus en enterrant ma grand-mère. On a pris les os dans la tombe qu’on a déterrée à l’autre bout du cimetière. On a pelleté avec une pelle, moi, pis un autre, après, on a levé le couvert, pis lui, c’était mon grand-père. Pis il avait une grand-barbe, pis la barbe était sur son habit un peu plus brune que quand il est mort, elle était là, elle avait pas dérangé, les cheveux étaient tout descendus, il en avait pus, pis la caboche, les os, là, pis son habit il portait tout, sa blouse, ses culottes, ses bottines, il y avait des bottines dans ce temps-là, c’était tout ben sain, dans une bottine, y avait encore le pied, y était pas tout désossé, dans l’autre, les os ont sorti, mais dans lui, il y avait encore de la chair pourrie un peu dans une bottine. Pis les os, on a jalé cela, on a jalé tout cela, dans l’eau, il y avait un pouce d’eau dans la tombe. On a pris un « fou » pour pas avoir l’eau trop, pis on a commencé à jaler tout cela. On a commencé à prendre la tête par un œil, pis on a sorti cela, pis on a sorti, pis on a pris un crochet, pis on a crocheté tout ce qui venait, qui se tenait, pis on a pris un autre outil, pis on levait cela dedans l’eau, pis on mettait cela, on cordait cela dans la tombe, dans la petite boîte.

Mon père [Télesphore Morin (1863-1940)] avait eu la permission de St- Joseph de le déterrer, pis de la mouver, parce qu’on voulait les mettre tous dans le même coin. Mon père était malade, il est mort deux ans après. Si ça avait pas été moi, ça aurait été un autre. Le gars qui pelletait avec moi, Turcotte, il aimait pas trop cela. Moi, je m’en foutais ben. Il avait peur. Il y en a qui ont peur. Il avait jamais touché à cela de sa vie. Moi, j’avais pas peur, je l’ai pris, il m’a rien faite (rires).

C’est moi qui menais, Ernest était en haut, il avait de l’ouvrage. Moi, j’étais après me bâtir, j’avais un homme engagé, j’en ai amené deux, Armand Veilleux, pis Turcotte, ils ont pelleté, quand cela a été rendu certain qu’on a pu lever le couvert, après qu’on a levé le couvert, là les autres aimaient pas cela, ça fait que je l’ai fait. Je me suis mis un pied chaque bord de la tombe, j’ai tout sorti ce qu’il y avait là. »
