Chronique Conservation:

Restauratrice et éditrice en chef de l'Écomusée du Patrimoine
Depuis quelques années, le monde industriel affiche un engouement marqué pour le champ des nanotechnologies. Chaque année, les États investissent des milliards de dollars en développement et recherche dans ce champ d’expertise. Plusieurs secteurs d’activité s’y intéressent : biomédical, électronique, métallurgique, textile, cosmétique, pour ne nommer que ceux-là. Pour le commun des mortels cependant, le concept des nanoparticules demeure vague. En fait, il s’agit, comme l’indique la racine étymologique de nano, qui signifie nain, du domaine du très petit. La taille des nanoparticules est de l’ordre du milliardième de mètre (10 – 9 m). Ces particules sont donc invisibles à l’œil nu et seuls certains super microscopes arrivent à les détecter. À cause de leur taille, ces particules sont dotées de propriétés souvent très différentes des substances de même composition, mais de taille normale. Ce sont ces propriétés qui fascinent les chercheurs. L’industrie en tire déjà une vaste gamme de produits : peintures antigraffitis, vitres autonettoyantes, textiles résistants aux odeurs, matériaux anticorrosion en sont quelques applications actuellement sur le marché.

Les restaurateurs professionnels du Centre de conservation du Québec (CCQ), toujours à l’affut des nouveautés dans leur discipline, s’intéressent également à ces nanoparticules. Ainsi, Isabelle Paradis a récemment eu recours à la nanochaux pour le traitement d’une œuvre en marbre. Un ange très délicatement sculpté, l’œuvre d’un artiste inconnu, circa 1900, provenant du cimetière de Saint-Patrick, à Québec, a été ainsi consolidé. Il avait été fragilisé autant par les mousses et les lichens que par la pollution sulfurée qui forme une croute noire dans les zones en retrait, croute qui entraine des desquamations (perte de la couche superficielle). Le bel ange était donc en piteux état et l’érosion de surface pouvait atteindre 3 mm de profondeur par endroits. Dans cet état, il ne pouvait même pas être nettoyé sans risque. Isabelle l’a donc préconsolidé par l’application d’une solution de nanochaux. Cette chaux étant beaucoup plus fine que les chaux ordinaires, elle pénètre profondément dans la pierre et permet de ce fait une meilleure consolidation. Elle a pour effet de restituer au marbre, essentiellement constitué de carbonate de calcium, un peu de son calcium perdu. L’ange a ensuite été nettoyé par microabrasion et la consolidation s’est poursuivie par des applications répétées et à saturation de solutions de nanochaux. Une consolidation finale au silicate d’éthyle a complété le traitement. Isabelle Paradis se dit très satisfaite du résultat puisque le traitement à la nanochaux a permis de diminuer passablement l’absorption d’eau par la pierre, ce qui améliore d’autant sa capacité de résister aux intempéries. Elle entend intégrer la nanochaux à ces traitements de pierres calcaires à l’avenir.
En même temps donc que cet ange est retourné au cimetière, les nanotechnologies y ont fait leur entrée.