Chronique du Fossoyeur:
Conducteur de four crématoire
D’abord le mystère
Un mystérieux monument, plutôt anonyme, est situé dans une section du cimetière Notre-Dame-des-Neiges où les lots à deux places prévalent et où on ne retrouve pas de concessions institutionnelles. La mention 1939-1945 sur l’épitaphe laisse supposer un lien avec la Seconde Guerre mondiale, mais nous n’avons pas d’indice qui puisse nous éclairer sur cette énigmatique concession, d’autant que, théoriquement, il n’y git personne, aucune entrée sur le nécrologe n’y ayant été constatée. Le premier lecteur qui nous aidera à y voir clair aura droit à une visite guidée gratuite.
Cependant, votre chroniqueur rencontra, alors qu’il était encore jeune fossoyeur, en des circonstances n’étant dues qu’au hasard et en dehors de ses fonctions, un monsieur d’un certain âge qui lui fit moult récits sur le cimetière, où il avait travaillé dans les années quarante et cinquante. Ce qu’il racontait était très crédible aux oreilles d’authentiques fossoyeurs. Il faisait référence à des notions qui ne peuvent être comprises que par eux, mais aussi faisait référence à des événements concernant les cimetières du Mont-Royal et de Notre-Dame-des-Neiges. Il se rappelait même de bâtiments dont on ne connaît l’existence que grâce à des cartes anciennes.
C’est entre deux bouffées de pipe que le vieil homme parla du tabac de contrebande de l’époque et, ce qui nous intéresse plus particulièrement ici, de boîtes en bois que l’armée aurait amenées de l’Ontario et qui, à ses dires, contenaient des ossements de soldats allemands (sans doute catholiques) destinés à l’inhumation. Il ne fit pas mention de l’endroit où la fosse aurait été creusée ni d’un quelconque monument. S’aigirait-il du morceau de la petite histoire de ce monument?
Ensuite l’incongruité
Lorsque l’on grave une épitaphe dans la pierre, il faut s’aviser d’écrire sans faute et de valider le texte en consultant plusieurs sources afin de ne pas figer dans l’éternité une grosse erreur ou pire une grossièreté. Les graveurs le savent.
Dans la littérature historique, lorsqu’il est question de la Première Guerre mondiale, on l’appelle aussi la Grande Guerre, et pour celle de 1939-45 on parle de la Seconde Guerre mondiale. Il n’a jamais existé de première grande guerre puisqu’il n’y en a qu’une qui soit nommée ainsi. Or, on trouve au cimetière de Notre-Dame-des-Neiges une stèle affichant cette belle incongruité.
Une erreur de traduction? Il faut savoir que le concessionnaire du lot et propriétaire du monument est le War Grave Commission Office. Votre chroniqueur trouverait scandaleux qu’une institution vouée au devoir de mémoire militaire fasse si peu de cas des traductions qu’elle fournit lorsqu’il s’agit du français, et que manifestement, cette institution n’ait pas fait réviser son texte par un locuteur compétent en français, comme c’est la règle dans les instances relevant du fédéral.