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illustration du naufrage du Titanic

Requiem sur le Titanic

Lorraine Guay

Géographe et auteure

Le 10 avril 1912, 8 musiciens montèrent à bord du Titanic, dans le port de Southampton, en Angleterre. Ils étaient six anglais, un français et un belge. Violonistes, altiste, violoncellistes et pianistes, ils formaient un quintette et un trio.

Photo: Lorraine Guay

Avant d’être embauchés sur le Titanic, le chef d’orchestre Wallace Hartley travaillait sur le Mauretania de la compagnie Cunard, tandis que le pianiste Théodore Braily et le violoncelliste Roger Bricoux jouaient sur le Carpathia. Quittant ce dernier pour le Titanic, ils déclarèrent : « Nous allons bientôt être sur un vrai bateau avec de la nourriture potable! »

 

Pourtant, leurs conditions de travail n’allaient pas en s’améliorant. En effet, avant 1912, les musiciens travaillant à bord des paquebots transatlantiques faisaient partie des équipages et recevaient un salaire mensuel de 6L 10 s et une prime mensuelle de 10 s pour leur uniforme. Les choses changèrent lorsque les frères Black, agents artistiques de Liverpool, conclurent avec plusieurs compagnies maritimes, dont la White Star Line, une entente leur fournissant des musiciens à moindre coût. La Black Talent Agency payait ainsi directement les musiciens seulement 4 L par mois, sans indemnité pour l’uniforme.

 

En désaccord avec ce tarif jugé insuffisant, des membres du Syndicat des Musiciens réunis rencontrèrent le directeur de la White Star Line en mars 1912. Les musiciens ne voulant pas faire partie de l’équipage, il fut entendu que la White Star Line transporterait les musiciens en tant que passagers de 2ème classe. Toutefois, ce statut obligeait les musiciens à se présenter aux douanes américaines avec 50$ en poche, soit plusieurs mois de travail, pour débarquer en sol américain.

 

Le 4 avril 1912, les musiciens prirent possession de leur uniforme à revers verts, décorés des boutons aux armes de la White Star Line, d’un insigne en forme de lyre à la boutonnière et de chaussettes vertes. Ainsi vêtus, ils commencèrent leur service à bord du Titanic. Hartley leur dit: « N’oubliez pas mes garçons, nous sommes un service. Nous sommes des serviteurs qui jouent dans le coin des musiciens ». Les musiciens ne devaient jamais attirer l’attention sur eux.

 

Les sifflets du Titanic firent entendre des sons agréables. C’était des tuyaux d’orgue actionnés par la vapeur des chaudières. Chacun des trois tuyaux sonnait une note différente. Pendant l’embarquement, le quintette dirigé par Hartley interpréta la White Star March sur le pont supérieur. Cette pièce faisait partie du Livre de musique de la compagnie qui contenait plus de 350 morceaux que les musiciens devaient connaître par cœur et par numéro d’appel. Il rassemblait des ragtimes, des valses de Strauss, des opérettes et des airs à la mode. Selon Helen Churchill Candee, qui survécut au naufrage, « rien à bord n’était plus populaire que l’orchestre. Cela se voyait en cela que tout le monde refusait de le quitter. Et tout le monde demandait son air préféré. »

 

Peu avant minuit, le 14 avril 1912, le Titanic heurta un iceberg. Pour la première fois, le trio et le quintette se retrouvèrent ensemble sur le pont. Des survivants ont rapporté ces témoignages sur les musiciens. Pierre Maréchal, rescapé de 1ère classe, déclara que les musiciens eurent l’ordre de jouer sans s’arrêter pour éviter un sentiment de panique. Ils ne portaient pas de gilet de sauvetage. Bertha Lehmann, passagère de 2ème  classe, raconta qu’un musicien parlant français l’aida à ajuster son gilet de sauvetage et la conduisit sur le pont des embarcations. Le colonel Archibald Gracie dit avoir vu les musiciens ranger leurs instruments 30 minutes avant que le navire disparaisse sous les eaux. Au cours des derniers instants, l’orchestre a interprété la valse Songe d’automne qui faisait partie du répertoire de l’orchestre. Il aurait encore eu le temps d’interpréter Plus près de toi, mon Dieu. Cette hypothèse est appuyée par le fait que Wallace avait déjà déclaré sur le Mauretania que s’il devait vivre un naufrage, il interpréterait ce cantique. Hartley appréciait la version méthodiste Proprior Deo

photo: Lorraine Guay

Les corps de 3 musiciens seulement, Hartley, Clarke et Hume furent retrouvés par le navire Mackay-Bennett. Hartley avait encore, attaché à sa poitrine, son porte-musique. Plus de trente mille personnes assistèrent aux obsèques de Hartley tandis que 500 musiciens donnèrent un concert en son honneur le 24 mai 1912 au Royal Albert Hall de Londres. Deux semaines après le naufrage, les frères Black eurent l’indélicatesse de réclamer aux proches des disparus le remboursement de leurs uniformes. Deux musiciens sont inhumés à Halifax : John Frederick Preston Clarke et John Law Hume. Un buste à la mémoire de Hartley a été érigé dans sa ville natale de Colne et une plaque à la mémoire des 8 musiciens est installée le 4 novembre 1912 dans le Philharmonic Hall de Liverpool.

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