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Vivre et mourir en communauté

Chronique du Fossoyeur:

Julien Desormeaux

Conducteur de four crématoire

À la belle époque du catholicisme triomphant, la société québécoise s’offrait le confort d’un clergé omnipotent et omniprésent qui interagissait avec la société dans à peu près tous les domaines, du berceau au tombeau.

Il n’était pas rare qu’il y ait une ou plusieurs vocations masculines ou féminines par famille. On disait qu’elles facilitaient l’obtention du salut des autres membres de la fratrie et des ascendants, qui se trouvaient alors à « offrir leur enfant pour les vendanges dans la vigne du Seigneur ».

Depuis que Mgr Bourget, fer de lance de l’ultramontanisme du 19e siècle, avait fait venir des communautés religieuses de France, il se trouvait quantité d’ordres religieux qui abattaient un important travail social d’éducation, d’enseignement, de soins hospitaliers et de services aux indigents, des champs de services qui, à l’époque, n’étaient pas assurés par le gouvernement.

Quiconque entrait en communauté était pris en charge par la congrégation, et ce, des premiers vœux jusqu’au décès, incluant même l’inhumation en terre sacrée et la commémoration.

Plusieurs communautés choisissaient d’inhumer leurs morts à même leur chapelle ou dans la cour de l’institution (cimetière privé), mais d’autres acquéraient des concessions dans des cimetières existants; des lots comme il en existe encore au cimetière de la Côte-des-Neiges et dans celui de l’Est, qui illustrent ici notre propos.

Vous remarquerez, en parcourant les photos, que certains ordres ont déménagé leurs défunts, habituellement pour les rapatrier dans un seul et même lieu, pour vivre en communauté dans la mort comme dans la vie. Ce fut le cas pour les Frères des Écoles Chrétiennes (photo 1). Le cursus de chacun était gravé à même le monument . On prenait donc soin d’individualiser les sépultures en marquant le passage de vie à trépas de chacun par la gravure uniformisée de son nom, soit sur le monument collectif, soit sur un petit monument individuel standardisé (photo 2), soit sur une plaque au sol, spécifiant s’il était postulant, novice ou ordonné (photos 3, 4 et 5).

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Il y avait aussi des concessions prévues pour la « clientèle » de ces communautés : les sourdes-muettes, les hospitalisés des sœurs grises et autres bénéficiaires, que l’on préférait garder dans son giron plutôt que de les envoyer en fosse commune (photos 6 et7).

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Au cimetière de la Côte-des-Neiges, il existe également quelques lots au nom des Petits Frères des Pauvres et aux Petites Soeurs des pauvres ( photo 8), que nous ne compterons toutefois pas comme lots religieux, même s’ils sont destinés aux indigents.

Certains de ces lots ont même généreusement accueilli d’anciens domestiques ou employés laïcs de ces congrégations, pour qui l’inhumation avec des religieux devait être vue comme un avantage social des plus prestigieux.

On remarque également ce cas spécial où les sœurs grises avaient cédé de l’espace d’inhumation pour recevoir les occupants du caveau d’une église qui devait être démolie.

Ces concessions religieuses qui émaillent nos cimetières chrétiens immortalisent un mode de vie en communauté, en le perpétuant par des modes d’inhumation à l’image de la communauté d’appartenance. Elles commémorent aussi la contribution inestimable de ces individus qui se sont généreusement investis dans le paysage social du Québec, une contribution malheureusement trop souvent oblitérée par les agissements malsains de certains.

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